16 décembre 2017

Images pour orchestre au Triton…

Après Fiesta Nocturna, La fête à Bobby et Lagrima Latina, Jean-Marie Machado crée Pictures For Orchestra pour son orchestre Danzas les 1er, 2 et 3 décembre 2016, au Centre des bords de Marne du Perreux-sur-Marne. C’est cet univers musical que Machado propose dans la petite salle du Triton, les 24 et 25 novembre 2017.

Pictures For Orchestra s’articule autour du noyau dur de Danzas – Didier Ithursarry à l’accordéon, Jean-Charles Richard aux saxophones et François Thuillier au tuba – auquel s’ajoutent Joce Mienniel et ses flûtes, Elodie Pasquier et ses clarinettes, Cécile Grenier et Séverine Morfin au violon alto et Guillaume Martigné au violoncelle. Pour la soirée au Triton, Stéphane Guillaume remplace Mienniel, en concert avec Tilt, et Jean-François Baez prend la place d’Ithursarry, en résidence avec l’Organik Orkeztra.

Machado présente Pictures For Orchestra comme une suite de neufs « Free Wheels » (‘roues libres’) écrites pour chacun des musiciens de Danzas et de quatre morceaux inspirés de compositions signées John Coltrane (« Naima »), Astor Piazzolla (« Vuelvo al Sur »), Robert Schumann (la valse n° 4 des feuillets d’album, opus 124) et King Crimson (« I Talk To The Wind »).


C’est sur une version très libre de « Naima », dédiée à Dave Liebman, que débute le concert. L’écriture de Machado est dense et s’appuie sur une superposition habile des plans sonores : le piano et le tuba donnent l’impulsion, la flûte, la clarinette et le saxophone dialoguent avec l’accordéon, tandis que le trio à cordes joue des contrechants subtils. Dans la première « Free Wheel », l’accordéon de Baez s’envole dans un style « folklorique de chambre », parsemé de traits orientaux lancés par les deux altos et le violoncelle.

Au milieu des crépitements du piano, des pizzicatos et des accords rubatos de l’accordéon, Morfin développe sa « Free Wheel », dans une ambiance majestueuse. Thuillier fait groover son tuba dans un foisonnement de voix, rythmé par les riffs du piano, accentué par l’accordéon et repris par les soufflants. Dédicacé à Andy Elmer, « I Talk To The Wind » met en scène, avec une intensité élégante, les timbres des différents instruments. Des touches folks, jouées par la flûte et le piano, viennent s’insérer au milieu des nappes de sons.


Avant de partir dans un développement grave et sombre, presque mélancolique, Martigné introduit sa ‘roue libre’ par des questions – réponses avec Machado, entre piano et grelots... Richard prend la suite au saxophone soprano : son chorus mélodieusement libre débouche sur un duo de musique de chambre avec le piano, dans un esprit tout à fait contemporain. Pasquier commence sa « Free Wheel » dans une veine minimaliste avec des jeux de souffles, puis sa clarinette part dans un duo animé avec le soprano sur fond de cordes en pizzicato, avant que l’orchestre ne revienne à ses constructions en strates sonores.

Quand vient son tour, Machado laisse libre-court à son lyrisme : un ostinato dans les cordes du piano et des phrases colorées sur le clavier, bientôt renforcées par l’accordéon et les archets. Avec son alto, Grenier poursuit dans la même voie, d’abord a capella, puis avec le piano en contrepoint, dans un mouvement qui pourrait être une bande originale de film.


« Vuelvo Al Sur » est joué à la mémoire de Nana Vasconcelos, disparu le 9 mars 2016. Danzas sublime la partition de Piazzolla, avec le baryton et le tuba qui maintiennent la pression, pendant que l’accordéon et les autres instruments croisent leurs voix pour mettre en relief le caractère nostalgique du thème. Dans sa « Free Wheel », Guillaume passe d’une atmosphère rythmique aux accents latinos à une danse médiévale énergique : tourneries des soufflants soutenues par l’ostinato du piano, les cordes en pizzicato et le bourdon de l’accordéon.

Le concert se conclut par Schumann, en souvenir de Catherine Collard, avec qui Machado a travaillé. Sur une progression mesurée, le violoncelle, la clarinette, le piano et le tuba mettent leurs sonorités au service du romantisme.

Danzas propose une musique métisse avec de l’ADN jazz, évidemment, classique, bien sûr, mais aussi latine, folk, pop, du monde… Tout cela avec une cohérence sans faille et un équilibre phénoménal : les mélodies coulent de source, les tessitures se marient à merveille et les rythmes tombent pile-poil. Dans Pictures For Orchestra Les voix jouent toutes un rôle nécessaire et suffisant… En un mot : passionnant !