17 septembre 2017

Onze Heures Onze à vingt-et-une Heures…

Au Studio de l’Ermitage, le 6 septembre 2017, à vingt-et-une heures et des poussières, le Onze Heures Onze Orchestra monte sur scène dans le cadre du festival « Under The Radar » de Jazz à la Villette. Le concert est aussi l’occasion de célébrer la sortie du premier opus de la discographie de l’orchestre.

Créé en 2014 par Alexandre Herer, Olivier Laisney et Julien Pontvianne, le collectif francilien Onze Heures Onze anime un label, qui compte d’ores et déjà près d’une vingtaine de disques à son actif, organise un festival, produit des projets individuels et tourne avec un orchestre à géométrie variable, autour d’un noyau d’une dizaine de musiciens.

Tous les membres de l’orchestre qui jouent sur le disque sont là, à l’exception de Joachim Govin, Franck Vaillant et Alban Darche : Laisney à la trompette, Pontvianne au saxophone ténor et à la clarinette, Stéphane Payen et Denis Guivarc’h au saxophone alto, Johan Blanc et Michel Massot au trombone (ou au tuba pour le deuxième), Stéfan Caracci au vibraphone, Herer au piano et claviers, Florent Nisse à la contrebasse et Thibault Perriard à la batterie. L’orchestre invite Magic Malik pour quelques morceaux. 




Le programme du concert reprend la plupart des morceaux du disque, plus quelques compositions du collectif. La thématique tourne autour de compositeurs du vingtième et vingt-et-unième siècles : Giacinto Scelsi, Steve Reich, Alvin Lucier, György Ligeti, Conlon Nancarrow, Maurice Ohanna, Morton Feldman

Le concert commence par une adaptation tout à fait personnelle d’Herer du Proverb que Reich a composé en 1995. L’orchestre se substitue aux trois sopranos, aux deux ténors, aux deux vibraphones et aux deux orgues électriques. Les contrepoints de la trompette et des saxophones rappellent les voix de la version originale, tout comme les interventions du vibraphone, mais les similitudes s’arrêtent là : l’élégance éthérée des voix, quasiment a cappella, de Reich est remplacée par un mouvement de groupe tendu, avec une batterie, une contrebasse et un piano qui maintiennent une pulsation mate et robuste. L’ « Autoportrait », que Darche a composé pour Vol 1, est un hommage à Ohanna, Isaac Albeniz et Ligeti. Après une introduction entre comptine et gamelan, la rythmique lance un motif funky, soutenu par une pédale du piano, tandis que le trombone et le saxophone alto dialoguent avec verve. Le morceau se déroule dans un entrelacs de voix d’une grande finesse. « Densité », signé Caracci, démarre avec des boucles construites autour d’un ostinato du vibraphone, d’une pédale au piano et d’une batterie percussive, tandis que les vents s’en donnent à cœur joie, dans un délire de sonnailles. Dans la deuxième partie du morceau, la batterie et la contrebasse restent charnels, le vibraphone et le piano s’envolent dans le contemporain et les soufflants deviennent mystérieux… Guivarc’h prend un solo particulièrement inspiré dans la « Fanfare pour Denis », que lui a dédié Payen. La walking rapide de Nisse et le chabada fulgurant de Perriard enflamment le morceau. Foisonnement des timbres, superposition des voix et rythmique entraînante pour « Kung Fu 37 » de Guivarc’h. Retour à la musique contemporaine avec « This Is Where The Sea Ends », écrit par Pontvianne et inspiré par Lucier : minimalisme et jeux avec les timbres. Cocktail de musique contemporaine et d’éléments funky, « Arcane 4 » – composé par Laisney – permet à Nisse de prendre un chorus mélodieux. Malik, sa flûte et sa voix, rejoignent l’orchestre pour « From Crippled Symmetry » d’Herer, enchaîné – vraisemblablement – avec le « XP31 » de Mezzadri. C’est un morceau protéiforme qui saute d’une atmosphère vaporeuse à des joutes contemporaines, en passant par une quasi-berceuse (quand Malik fredonne dans l’embouchure de sa flûte) et des mouvements minimalistes et rythmiques qui évoquent parfois le gamelan. Le bis est une improvisation collective effrénée, pendant que Malik égrène paisiblement un compte-à-rebours…


Le disque permet évidemment de prendre davantage de recul par rapport à la musique que le concert et, sans doute, d’avoir une écoute plus équilibrée, même si le son est moins chaleureux et « physique » qu’en concert. Vol 1 n’échappe pas à la règle. Cela dit, la prise de son est très réussie : elle met bien en valeur les instruments et l’architecture des morceaux (« Proverb »). Deux morceaux n’ont pas été joués au Studio de l’Ermitage : « Yog Sothoth » de Laisney et « Raja » de Vaillant. Le premier commence par une introduction minimaliste du piano dans les graves, avant de partir sur une jolie mélodie soutenue par une rythmique entraînante et des chœurs en contre-chants. « Raja » met en scène une mélodie délicate, portée par les lignes aériennes du vibraphone, sur une rythmique et des riffs dansants.

Les constructions complexes et autres juxtapositions insolites de Vol 1 évoquent évidemment la musique contemporaine, tandis que les sonorités et les rythmes ramènent au jazz. Sur disque ou en concert, il faut écouter la musique du Onze Heures Onze Orchestra car il s’y passe toujours quelque chose !


Le disque

Vol 1
Onze Heure Onze Orchestra
Olivier Laisney (tp), Julien Pontvianne (cl, ts), Stéphane Payen (as), Denis Guivarc’h (as), Johan Blanc (tb) ou Michel Massot (tb, tu), Stéfan Caracci (vib), Alexandre Herer (p, org), Joachim Govin ou Florent Nisse (b) et Franck Vaillant ou Thibault Perriard (d), avec Magic Malik (fl) et Alban Darche (bs).
Onze Heures Onze – ONZ020
Sortie le 6 septembre 2017



Liste des morceaux

001.  « Xp31 », Malik (4:05).                     
002.  « Yog Sothoth », Laisney (9:37).                   
003.  « Raja », Vaillant (9:37).                   
004.  « Proverb », Herer (6:30).                
005.  « This Is Where the Sea Ends », Pontvianne (7:34).
006.  « Fanfare pour Denis », Payen (6:58).
007.  « Autoportrait avec Ohana et Albeniz (Merci Ligeti) », Darche (6:07).