29 mai 2016

Equal Crossing au Théâtre 71

Equal Crossing est le dernier né des projets de Régis Huby, avec Marc Ducret à la guitare, Bruno Angelini au piano et claviers, et Michele Rabbia aux percussions et électronique. Le quartet se produit le 12 mai 2016 au Théâtre 71 de Malakoff.

Depuis quelques années déjà le Théâtre 71 programme régulièrement des concerts de jazz dans trois de ses salles : la Grande salle, la Fabrique des Arts ou le Foyer-Bar. En association avec le Théâtre de Vanves et le Studio Sextan, le Théâtre 71 organise aussi les Nouvelles Turbulences, un festival de musique sur quatre jours, consacré principalement au jazz et à la musique contemporaine. Enfin, il propose également des résidences à des musiciens, à l’instar d’Yves Rousseau l’année dernière, et d’Huby cette année. Il faut dire que Pierre-François Roussillon, son directeur, est un ancien concertiste professionnel, dont nous avons pu écouter la clarinette basse dans le Wanderer Septet de Rousseau...

Le concert se déroule dans le Foyer-Bar du théâtre, qui peut accueillir près de cent vingt spectateurs. Avec ses tables et ses chaises disposées en V entre le bar et la scène, cette salle impersonnelle prend des allures de club, voire de guinguette, fort sympathique.

Equal Crossing a été produit pour la première fois sur scène en décembre 2014 au Triton. Depuis, le quartet participe à des festivals, tels que Jazz sous les pommiers, à Coutances, le Festival Jazzdor à Berlin, ou encore Europa [dȝaz] au Mans, en mai 2016. Le concert au Théâtre 71 marque la sortie d’un disque chez Abalone, enregistré aux Studios La Buissonne par Sylvain Thévenard.

Le concert se présente comme une suite en trois mouvements composée par Huby : «  Faith & Doubt » et « Doubt & Fear » constituent le premier mouvement, « Are We From…? », « The Synthesis of Now-Here » et « The Crossing of Appearances » forment le deuxième mouvement, « Imaginary Bridges » et « Horizon’s Crossing »  composent le troisième.

En guise d’introduction, Huby revient sur le titre disque : « Equal, égal, et Crossing, dans l’idée de croisement, mais aussi de traversée vers l’autre ». Car, comme le rappelle le violoniste, en musique, « le repli sur soi ne marche pas… On a besoin des autres pour jouer… Et de se nourrir de la différence de l’autre… D’où ce titre : Equal Crossing ».


Dès le démarrage de « Faith & Doubt », le ton est donné : un grondement électro en toile de fonds sur laquelle viennent se greffer des effets bruitistes – frottements, stridences, grattements, notes isolées, sons lointains… La plupart des transitions entre les mouvements se déroulent dans cette ambiance très science-fiction. Quant au développement des morceaux, il s’apparente à de la musique de chambre électro-acoustique à tendance rock progressif : les voix se mêlent, se répondent ou se croisent dans une débauche d’énergie. Angelini passe d’un jeu de piano contemporain à du rock alternatif endiablé au Fender Rhodes ou débobine une ligne de basse sourde sur le Mini Moog. Entre son ordinateur, sa batterie et ses percussions en tous genres, Rabbia alterne bruitages électro, frappes binaires imposantes et motifs rythmiques mélodieux. Si la guitare apporte évidemment une teinte punk ou rock déjanté à la Jimi Hendrix, le jeu complexe de Ducret renforce aussi le côté musique contemporaine du quartet. Quant à Huby, il s’appuie sur un nombre impressionnant de pédales pour électrifier son violon qui évoque tantôt une voix, tantôt un violoncelle, voire un synthétiseur… et qui lui permet d’affermir son discours jazz-rock. La réverbération donne également de l’emphase aux mélodies et le violoniste laisse éclater son lyrisme dans des solos tendus, à l’archet ou en pizzicato. Comme c’est souvent le cas avec Huby, dans Equal Crossing les constructions contemporaines complexes côtoient la brutalité du rock.


Cette constatation est encore plus vraie sur disque car la résonance de la salle a tendance à légèrement amalgamer les sons. La lisibilité des voix met d’autant plus en relief la subtilité de l’architecture des morceaux et les nuances sonores. Sur disque, Equal Crossing gagne en emphase et en gravité ce qu’elle perd dans la puissance du concert. La suite d’Huby confirme sa grande homogénéité et un caractère cinématographique. 



Musique de chambre électro-acoustique free punk théâtrale… Equal Crossing pose les bases d’une musique romantique du futur !