20 décembre 2015

This Machine Kills Fascists - Tinissima 4et

This Machine Kills Fascists
Francesco Bearzatti Tinissima 4et
Francesco Bearzatti (ts, cl), Giovanni Falzone (tp), Danilo Gallo (b) et Zeno De Rossi (d), avec Petra Magoni (voc).
CamJazz – CAMJ 7893-2
Sortie le 16 octobre 2015

Après Tina Modotti en 2008 et Malcolm X en 2010, Francesco Bearzatti et son Tinissima 4et rendent hommage à un autre révolté : Woody Guthrie. Inchangé depuis ses débuts, le Tinissima 4tet peut compter sur la trompette de Giovanni Falzone, la basse de Danilo Gallo et la batterie de Zeno De Rossi. This Machine Kills Fascists sort le 16 octobre chez Cam Jazz.

Guthrie passe sa jeunesse dans l’Oklahoma où il est né en 1912. Après la Grande Crise de 1929, il s’installe au Texas, qu’il quitte en 1935 pour la Californie. Guthrie s’engage dans l’action politique pour défendre les opprimés, les immigrés, les journaliers… Pour marquer son engagement, il inscrit sur toutes ses guitares : « This Machine Kills Fascists ». Au début des années quarante Guthrie s’installe à New York. Avec Pete Seeger, il devient une figure centrale de la folk protestataire américaine. Guthrie est décédé en 1967 des suites de la maladie d’Huntington.


Bearzatti signe les huit thèmes de This Machine Kills Fascists. Le Tinissima 4et reprend également, avec des vocalises de Petra Magoni, l’une des plus célèbres chansons de Guthrie, écrite en 1944 : « This Land Is Your Land ». Les morceaux de Bearzatti suivent peu ou prou le cours de la vie de Guthrie : « Okemah » représente la ville natale du chanteur ; « Dust Bowl » évoque les tempêtes de poussières, qui ravagent notamment le Texas ; « Long Train Running » se réfère au voyage vers la Californie (même titre que le morceau du groupe californien The Doobie Brothers) ; « Hobo Rag » s’inspire des années d’errances, des petits boulots, etc. ; « N.Y. » remémore le séjour dans la Grosse Pomme ; « Witch Hunt » illustre les années sombres du maccarthysme ; « When U Left » suggère la mort de Guthrie ; quant à « One For Sacco And Vanzetti », il rappelle l’exécution des deux anarchistes en 1927, devenus symboles de la répression et de l’injustice, et chantée par Guthrie dans « Two Good Men », mais aussi par Joan Baez, dans l’emblématique « Here’s To You ».

Le Tinissima 4et est immédiatement reconnaissable par sa sonorité, qui repose sur une batterie carrée, une basse souple et mélodieuse, une trompette et un saxophone (ou une clarinette) qui proposent une synthèse réussie de la tradition et de l’avant-garde. Les thèmes sont soignés (« One For Sacco And Vanzetti »), avec des ambiances bluesy (« Okemah »), ragtime (« Hobo Rag »), country (« Long Train Running »), bluegrass (« Okemah »), New Orleans (« This Is Your Land »)… Sans oublier non plus que le sérieux et le bouffon se côtoient avec un à propos réjouissant (« This Is Your Land »)... De Rossi passe d’un accompagnement subtil et léger (« When U Left ») à un martèlement binaire (« Okemah ») ou un foisonnement énergique (« N.Y. »). Grâce à sa basse semi-acoustique, Gallo sonne presque comme une guitare (« One For Sacco And Vanzetti ») et passe d’une walking rapide (« Witch Hunt ») à des ostinatos qui résonnent (« N.Y. »), des motifs country (« Long Train Running ») ou rock’n roll (« Okemah »). La trompette de Falzone virevolte (« Long Train Running »), toujours expressive, avec ses effets de growl (« This Land Is Your Land »), souffles (« Dust Bowl »), sifflets (« Long Train Running ») et autres cris (« Hobo Rag »), qui côtoient des développements dans une veine bop (« Okemah ») ou free (« Witch Hunt »), mais aussi d’une grande solennité (« When U Left »). Bearzatti possède un talent mélodique hors norme (« This Land Is Your Land »), une mise en place exceptionnelle (« Okemah »), un sens du contrepoint habile (« When U Left ») et des idées à revendre (« Hobo Rag »), sans compter sa sonorité chaude et puissante – aussi bien au saxophone ténor qu’à la clarinette.

« Tous pour un ! Un pour tous ! » pourrait être la devise du Tinissima 4et, tant est grande la symbiose musicale de Bearzatti, Falzone, Gallo et De Rossi. This Machine Kills Fascists continue sur les traces de X (Suite For Malcolm) et Monk’n Roll : un melting pot musical savoureux dans lequel aucune barrière ne sépare le New Orleans, le bop, le free jazz, le rock, le blues, la folk… et tout le reste ! A écouter absolument.