13 avril 2015

Le bloc des notes : Véronique Hermann Sambin, Charles Lloyd

Une nouvelle semaine commence, avec son lots de sorties...


Basalte
Véonique Hermann Sambin
Jazz Family – JF003

Trois ans après RòzJériko, Véronique Hermann Sambin revient sur disque avec Basalte, qui sort sur le récent label Jazz Family, créé en octobre 2014 par Yann Martin et Camille Dal'zovo.
  
Côté répertoire, Hermann Sambin a composé dix titres sur douze, dont une reprise de « Ròz Jériko », tiré l’album éponyme. Elle a également mis en musique « Love After Love », poème de Derek Walcott, et mis des paroles sur « The Sidewinder » de Lee Morgan (1963) dans « Pwomes ».

A l’exception de Xavier Richardeau, toujours impliqué dans les arrangements, le quintet qui accompagne Hermann Sambin a été renouvelé depuis Ròz Jériko : Frédéric Nardin est aux claviers et participe aussi aux arrangements, Samuel Hubert à la contrebasse, Romain Sarron à la batterie et Inor Sotolongo aux percussions. A noter également la présence d’un quatuor à cordes dans « Ròz Jériko », alors qu’Hermann Sambin l’interprètait plus sobrement, en duo avec Alain Jean-Marie au piano, dans son précédent disque.

Tout au long de Basalte la section rythmique est entraînante : le drumming de Sarron est agile et léger (« Pase lanmod »), les percussions de Sotolongo apportent la touche dansante des Caraïbes (« Jwe »), Hubert possède un gros son boisé (« Love After Love ») et un groove imposant (« Si pati »), quant à Nardin, il passe des Caraïbes (« Annou ») ou autres motifs cadencés (« Militanto »), à des lignes tranquilles (« Jwe »), avec toujours beaucoup d’efficacité (« Militanto »). Richardeau déroule des belles phrases à la clarinette (« Le pas »), sans jamais se départir d’un swing vigoureux (accentué dans « Repase » par un chabada et une walking qui pulsent) et se montre toujours pertinent dans ses interventions (au saxophone dans « Annou », à la clarinette dans « Glas la »…). La voix veloutée d’Hermann Sambin – onctuosité accentuée par la douceur du créole (« Pase lanmod ») – s’unit avec élégance à la clarinette (« Glas la »), penche vers un funk élégant (« Pwomes »), suit les autres instruments à l’unisson (« Le pas », « Militanto »), chante un blues convaincant (« Si pati »), est agréablement mélodieuse (« Love After Love », « Pase lanmod »)… Le tout sur des arrangements soignés et une section rythmique fringante.

Avec plus d’interactions entre la voix et les instruments et d’espaces laissés aux solistes, Basalte s’aventure davantage dans les territoires du jazz que ne le faisait Ròz Jériko.


 Wild Man Dance
Charles Lloyd
Blue Note

Enregistré le 24 novembre 2013 en concert, lors de sa création pour le festival Jazztopad à Wroclaw, en Pologne, la suite Wild Man Dance sort chez Blue Note, trente ans après One Night With Blue Note vol 4, disque que Charles Lloyd avait gravé avec Michel Petrucciani, Cecil McBee et Jack DeJohnette

La section rythmique « habituelle » de Lloyd – Jason Moran, Reuben Rogers et Eric Harland –  laisse sa place à Gerald Clayton, Joe Sanders et Gerald Cleaver. Sokratis Sinopoulos, déjà présent sur Athens Concert (2011), joue de la lyre grecque et Miklós Lukács est au cymbalum.

Les six mouvements de la suite s’enchaînent quasiment sans interruption, si ce n’est les applaudissements. Wild Man Dance est typiquement « Lloydien » : vigueur, densité et majesté de la section rythmique, touche world avec la lyre et le cymbalum, puissance et lyrisme du saxophone. Il n’y pas de thème à proprement parler, mais plutôt des développements mélodiques et rythmiques continus, tour à tour méditatifs (« Flying Over The Odra Valley »), nostalgiques (« Lark »), mystérieux (« Invitation »)… Clayton, Sanders et Cleaver mettent une pression énorme, basée sur une contrebasse grave et mélodieuse (« River »), une batterie touffue (« Gardiner ») et un piano résolument moderne avec ses clusters, crépitements, phrasé tendu (« Flying Over The Odra Valley »). Le trio piano – contrebasse – batterie se montre également d’une efficacité redoutable quand il s’agit e swinguer (« Lark ») ou de mettre du groove (« River »). La sonorité argentine du cymbalum donne un côté mystique à « Flying Over The Odra Valley » et s’apparente à un xylophone, entre mélodie et rythme, dans « River » et « Wild Man Dance ». Le son étiré et fragile de la lyre contribue à l’atmosphère mélancolique de « Lark » et la tournerie de « Wild Man Dance » apporte un zeste de folklore. Le jeu de Lloyd est à la fois mélodieux et nerveux (« Gardiner »), s’appuie sur un son ample (« Flying Over The Odra Valley ») et ses variations sont passionnées, libres et captivantes (« Lark »)…

Dans la lignée de Lift Every Voice, avec ses ambiances profondes et envoutantes Wild Man Dance est un disque émouvant.