22 novembre 2014

Septembre 2014

Ske-Dat-De-Dat: The Spirit Of Satch

Le swing, le scat, des chorus d’anthologie, une voix rocailleuse, une trompette brillante, des tournées mémorables, une pléthore d’enregistrements… Louis Armstrong est une figure-clé du jazz. Dr. John lui rend hommage avec Ske-Dat-De-Dat: The Spirit Of Satch, sorti chezProper Records en août.
Louisianais, comme Satch (le surnom d’Armstrong : Satchmo, abréviation de satchel-mouth, pour bouche-cartable…), après avoir appris après de Professor Longhair, Dr. John commence sa carrière à la fin des années cinquante, d’abord à la guitare, puis à la basse et au piano. En 1968, Gris-gris est un succès, suivi, en 1972, de Gumbo... Il joue ensuite avec les Rolling Stones, Allen ToussaintEric Clapton… fait du cinéma, participe à de nombreuses séances en studio, produit des disques etc.
Coproduit avec la tromboniste Sarah MorrowSke-Dat-De-Dat reprend dix standards, deux thèmes traditionnels (« Sometimes I Feel Like a Motherless Child »  et « Nobody Knows the Trouble I've Seen ») et « Gut Bucket Blues » d’Armstrong, himself. Tous les morceaux font partie du répertoire habituel de Satchmo. Pas loin d’une cinquantaine de musiciens prend part au disque, dont quelques artistes en vue : les chanteurs Anthony HamiltonBonnie RaittLedisi and The McCrary SistersShemekia Copeland et les Blind Boys of Alabama ; les trompettistes Nicholas PaytonTerence BlanchardWendell BruniousJames Andrews et Arturo Sandoval ; le Dirty Dozen Brass Band…
Dr. John part – bien sûr – du blues (« Sometimes IFeel Like A Motherless Child »), avec parfois quelques nuances funky (« Memories of You »), puis il ajoute des éléments rock (« Gut Bucket Blues ») assaisonnés de country (« Nobody Kows The Trouble I’ve Seen »), épice sa musique de touches latines (boléro « Tight Like This » dans et mambo dans « When You’re Smiling ») ou rap (« Mack The Knife »), revient au gospel (« Wrap Your Troubles In Dreams »), passe à un ragtime (« I’ve Got The World On A String ») ou un boogie-woogie (« Sweet Hunk O’Trash ») et joue des ballades (« Dippermouth Blues »). Au piano ou à l’orgue, Dr. John s’accompagne avec clairvoyance et met habilement en relief sa voix, haute et marquée par un accent légèrement nasillard. Soulignons le rôle des trompettistes qui jouent des contrepoints subtils (« Mack The Knife »), des lignes énergiques (« Sweet Hunk O’Trash »), des chorus inspirés (« Tight Like This »)… et mettent du piquant dans la musique.
Des rythmiques efficaces, des chœurs imparables, des dialogues astucieux, des ambiances entraînantes, un orchestre qui grouille… :Ske-Dat-De-Dat est un appel à la danse !
Le disque
Ske-Dat-De-Dat: The Spirit Of Stachmo
Dr. John
Proper Records – B00L0DKPD8.
Sortie en août 2014.
Liste des morceaux
01. « What a Wonderful World »,George DouglasBob Thiele & George David Weiss (4:10).
02. « Mack the Knife », Marc BlitzsteinBertolt Brecht & Kurt Weill(6:13).     
03. « Tight Like This », Langston Curl (4:51).         
04. « I've Got the World on a String », Harold Arlen & Ted Koehler(4:04).        
05. « Gut Bucket Blues », Armstrong (2:47).           
06. « Sometimes I Feel Like a Motherless Child » (4:45).   
07. « That’s My Home », Ben EllisonOtis René & Leon René (3:55).     
08. « Nobody Knows the Trouble I've Seen » (4:36).           
09. « Wrap Your Troubles in Dreams », Harry BarrisTed Koehler & Billy Moll (6:36). 
10. « Dippermouth Blues », Joseph Oliver (4:27).  
11. « Sweet Hunk O' Trash », James P. Johnson & Flournoy E. Miller(4:18).     
12. « Memories of You », Eubie Blake & Andy Razaf (5:02).        
13. « When You're Smiling », Mark FisherJoe Goodwin & Larry Shay(2:40).   

Le saxophoniste ténor Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet jouent ensemble depuis près de cinq ans et, outre leur duo, ils ont monté Special Relativity avec Johannes Fink et, Heinz SauerYves Robert ou Joachim Kühn. En juin 2014, les deux compères ont sorti Together, Together! chezAbalone, label créé par Régis Huby et qui a déjà publié Pulsion et Constellation, les deux disques précédents de Marguet.
Avec Looking For Parker de Géraldine LaurentWays Out de Claude TchamitchianDésordre d’Hélène Labarrière, sans oublier les multiples projets d’Henri Texier… Marguet est déjà bien connu de tous ! Quant à Erdmann, Das Kapital, trio de référence avec le guitariste Hasse Poulsen et le batteur Edward Perraud, a assuré sa notoriété. Par ailleurs, depuis 2001, cet ex-élève du conservatoire Hanns Eisler de Berlin se partage entre la France et l’Allemagne, etVincent CourtoisLouis SclavisPeter KowaldGebhard Ullman,John Betsch… ont fait appel à ses talents d’improvisateur.
Si, dès 1957, Sonny Rollins enregistre en duo avec Philly Joe Jones « The Surrey With The Fringe On The Top » pour Newk’s Time, il faut attendre 1974 pour que voit le jour le premier album entièrement en duo saxophone – batterie : c’est le fameux Interstellar Space, de John Coltrane et Rashied Ali. Depuis, la formule a fait son chemin, à commencer par l’inévitable célèbre One In Two, Two in One de Max Roach et Anthony Braxton (Hatology – 1979), et le free jazz a fourni son lot de duos qui méritent le détour, parmi lesquels : The New Acoustic Swing Duo de Willem Breuker et Han Bennink (Jazz & Now – 1984), The Dried Rat-Dog avec Peter Brötzmann et Hamid Drake(Okka Disk – 1995), Image avec Steve Lacy et Steve Argüelles (Ah-Um Music – 1989)... Toujours dans l’avant-garde, mais dans un autre style,Invisible Nature de John Surman et Jack DeJohnette (ECM – 2002),Which Way Is East avec Charles Lloyd et Billy Higgins (ECM – 2004) ou encore Ten Tales avec Joe Lovano et Aldo Romano (Owl Records – 1990), s’écoutent également avec intérêt. Mais la liste est encore longue puisque les exégètes dénombrent plus d’une soixantaine de disques de duo saxophone – batterie…
Together, Together! propose onze morceaux composés par Erdmann ou Marguet plus « African Flower », le « Fleurette Africaine » du disque culte Money Jungle (Blue Note – 1962), signé Duke Ellington, et le non moins vénéré « Lush Life », écrit par l’alter ego du Duke, Billy Strayhorn.
Chaque morceau se développe en fonction des propositions d’Erdmann et de Marguet : leur durée varie de moins d’une minute (« Together, Together! ») à plus de sept minutes (« African Dancer ») : petites touches impressionnistes rythmées, sur un bruissement régulier aux balais (« One Rhythm, One Melody ») ; roulements profonds coupés de lignes arpégées, suivies de phrases rapides et sinueuses (« In Motion ») ; jeu ténu et aérien sur un tambour africain majestueux (« African Flower ») ; exposition hard-bop sur un chabada nerveux (« Together, Together! ») ; complainte pygmée - ? - (« I Siguia ») ; thème à l’unisson, suivi d’une poursuite, pleine de suspens (« 1984 ») ; boucles hypnotiques et percussions denses (« African Dancer ») ; foisonnement des balais et finesse des touches (« Lush Life ») ; joutes rythmiques mélodieuses (« Tag-Sonne ») ; marche solennelle teintée de lyrisme (« Hommage(s) ») ; rim shot et cellules circulaires (« Namderyew, Ed! ») ; valse désarticulée sur fonds de pêches et vrombissements du ténor (« Sur le fil illuminé ») ;  ostinato sur drumming heurté (« Drugstore B. »)…
Entre Erdemann, joueur en sons incomparable, et Marguet, sculpteur de rythmes émérite, le duo n’a pas fini de faire parler de lui !Together, Together! est un alliage musical fait d’écoute, de créativité et de subtilité. Bravo !
Le disque
Together, Together!
Daniel Erdmann – Christophe Marguet
Daniel Erdmann (ts) et Christophe Marguet (d).
Abalone – AB016
Sortie en juin 2014
Liste des morceaux
01.       « One Rhythm, One Melody », Erdmann (1:33).
02.       « In Motion », Marguet (4:18).
03.       « African Flower », Ellington (4:49).
04.       « Together, Together! », Erdmann & Marguet (0:57).
05.       « I Siguia », Erdmann & Marguet (1:31).
06.       « 1984 », Erdmann (3:24).
07.       « African Dancer », Marguet (5:46).
08.       « Lush Life », Strayhorn (3:42).
09.       « Tag-Sonne », Erdmann (4:17).
10.       « Hommage(s) », Marguet (7:32).
11.       « Namderyew, Ed! », Erdmann (4:42).
12.       « Sur le fil illuminé », Marguet (3:15).
13.       « Drugstore B. », Erdmann (3:20).

Trois disques et cinq guitaristes…

Nightscape
Paul Abirached
Après Dream Steps, en 2010, avec Alain Jean-MarieGilles Naturel et Andrea Michelutti,Nightscape est le deuxième disque du guitariste Paul Abirached sous son nom. Il sort sur le label lancé par Archie SheppArchieBall, dans la Rainbow Collection. Abirached choisit la formule du duo avec Jean-Marie. Les duos guitare – piano ne sont pas si fréquents, mais celui de Jim Hall et Bill Evans viendra naturellement à l’esprit de tout un chacun…
Abirached propose deux thèmes, trois interludes improvisés et cinq morceaux éclectiques viennent compléter le programme : « Abacus » de Paul Motian (Le Voyage – 1979), « Chelsea rendez-vous » de Joe Lovano (Village Rhythm – 1988), « Down From Antigua » de Hall (Live At Village West – 1982), « Limbo »  de Wayne Shorter (pour Sorcererde Miles Davis – 1967) et « Don’t Explain » (Billie Holiday et Arthur Herzog Jr. – 1944).
L’élégance est sans doute le terme qui s’applique le mieux à la musique du duo : introductions minimalistes (« Abacus »), mélodies finement ciselées (« Nightscape »), contrechants subtils (« Chelsea rendez-vous »), dialogues sophistiqués (« Limbo »)… Cela dit, Abirached et Jean-Marie pimentent leurs propos avec des suites d’accords latinos (« Down From Antigua »), des touches moyen-orientales (« Abacus »), des traits bluesy (« Sewing » ) ou des phrases majestueuses (« Don’t Explain »). Même si l’ambiance générale deNightscape est plutôt calme, la musique balance toujours sur une pulsation bien tenue (« Down From Antigua »).
Dans Nightscape, Abirached et Jean-Marie conversent tranquillement en toute confiance, comme deux amis au coin du feu : un disque intimiste et délicat.
Les musiciens
Une licence de Lettres Modernes, le conservatoire du neuvième arrondissement de Paris, des cours avec Philippe MaceBernard MauryPierre BertrandMisja Fitzgerald-MichelMarco Campo-Arris… un DEUG de musicologie… Abirached est à la fois enseignant et musicien. Il multiplie les projets : un répertoire autour de la peinture de Joan Miro, un duo avec Daisy Bolter, des séjours à New-York pour jouer avec Marc CoplandNighscape
Si les Biguine Reflections ont fait passer Jean-Marie à la postérité, c’est oublier que le pianiste pointois a accompagné le gotha du jazz dans les années soixante-dix, de Chet Baker à Benny Golson, en passant par Johnny GriffinLee KonitzSonny Stitt… qu’il a été le pianiste attitré de Dee Dee Bridgewater dans les années quatre-vingt, qu’il a enregistré avec Niels-Henning Orsted Pedersen (Latin Alley – 1987), Abbey Lincoln (The World Is Falling Down – 1990), Barney Wilen (La Note Bleue en 1986 et Dreamtime en 1992), Henri Texier etAldo Romano (The Scene Is Clean – 1991), Michel Graillier (Portrait In Black And White – 1991)…, qu’il a monté de nombreux trios et quartet avec, entre autres, Naturel et John Betsch (Lazy Afternoon – 2000), qu’il a joué en solo (Afterblue en  1999, That’s What en 2004), que son duo avec Morena Fattorini tourne depuis plus de quinze ans et qu’il est l’un des piliers des clubs parisiens… et du jazz !
Le disque
Nightscape
Paul Abirached
Paul Abirached (g) et Alain Jean-Marie (p).
Archie Ball – RAIN 1404
Sortie en avril 2014.
Liste des morceaux
01.       « Abacus », Motian (05:08).
02.       « Farewell », Abirached & Jean-Marie (01:11).
03.       « Chelsea rendez-vous », Lovano (04:02).
04.       « Down From Antigua », Hall (07:53).
05.       « Sewing », Abirached (03:56).
06.       « Nightscape », Abirached (05:31).
07.       « Scattered », Abirached & Jean-Marie (0:39).
08.       « Limbo » Shorter (04:04).
09.       « Haunted », Abirached & Jean-Marie (01:34).
10.       « Don’t Explain » Holiday & Herzog (05:51).

Gipsy Eyes
Louis Winsberg / Antonio « El Titi » / Rocky Gresset
Début 2012, au Jazz-Club de Dunkerque, invité parFrançoise DevienneLouis Winsberg se produit avec un trio de guitares inédit : Antonio « El Titi », compagnon de route de JaleoMarseille Marseille… et Rocky Gresset, rencontré en 2010 à l’occasion de Django 100, commémoration de la mort de Django Reinhardt. Deux ans plus tard, le trio sortGipsy Eyes chez Such Production.
Repris de Jimi Hendrix, « Gypsy Eyes » (Electric Ladyland – 1968) est un hommage aux Gitans, pour lesquels Winsberg avoue une fascination. Le trio reprend également le célébrissime « Take Five » de Paul Desmond, l’incontournable « Nuages » de Reinhardt et l’archi-standard « Caravan », signé Duke Ellington et Juan Tizol. « Chez Loulou » et « Curtis Song » sont de Gresset, « Undivel » d’« El Titi », et Winsberg propose « Chez Rocky », « Chez Titi » et « El Tige ».
A part « Chez Rocky », dans lequel la pompe arbitre le duel entre les longues lignes arpégées et les crépitements, dans la plus pure tradition gitane, les autres morceaux évoquent davantage The Guitar Trio que la musique manouche. Comme John McLaughlinAl Di Meola et Paco De Lucia, Winsgberg, « El Titi » et Gresset ne s’en tiennent pas à une pulsation inamovible et répétitive : ils privilégient les interactions impromptues et les jeux rythmiques. Croisements inventifs (« Caravan »), mélodies séduisantes (« Undivel »), chorus flamboyants et mélodieux (« Gipsy Eyes »), ornementations virtuoses (« Take Five »), effets percussifs (« Nuages »), contrepoints habiles (« Chez Loulou »)… se succèdent avec virtuosité, mais sans démonstration vaine.
Winsberg, « El Titi » et Gresset ont réussi à mettre leurs talents au diapason : Gipsy Eyes fusionne avec panache le flamenco, le manouche et le jazz !
Les musiciens
Sixun, Douce FranceJaleoMarseille Marseille… autant de projets qui ont déjà permis de découvrir Winsberg.
« El Titi » apprend la guitare avec son père, en écoutant Paco de Lucía et Vicente Amigo… D’abord influencé par le flamenco, le guitariste se tourne bientôt vers les musiques sud-américaines, mais aussi le latin-jazz. Depuis 2008, « El Titi » participe aux projets de Winsberg.
Le benjamin du trio, Gresset, commence la guitare à neuf ans dans les traces de Django Reinhardt. Il commence à jouer en concert avecNinine Garcia, dans les années 2000, puis avec les frères Belmondo,Jean-Marc Jafet… En 2009, il enregistre un disque hommage à Reinhardt sous son nom pour le label Dreyfus Jazz.
Le disque
Gypsy Eyes
Louis Winsberg / Antonio « El Titi » / Rocky Gresset
Louis Winsberg, Antonio « El Titi » et Rocky Gresset (g)
Such Production
Sortie en avril 2014
Liste des morceaux
01.       « Gipsy Eyes », Jimi Hendrix (04:50).
02.       « Take Five », Paul Desmond (03:48).
03.       « Chez Loulou », Gresset (03:42).
04.       « Chez Rocky », Winsberg (03:12).
05.       « Nuages », Django Reinhardt (03:14).
06.       « Caravan », Juan Tizol & Duke Ellington (03:02).
07.       « Chez Titi », Winsberg (05:09).
08.       « Undivel », El Titi (03:52).
09.       « El Tigre », Winsberg (06:02).
10.       « Curtis Song », Gresset (04:43).

Groove Story
Richard Manetti
Deux ans après Why Note,Richard Manetti enregistre un nouvel opus, Groove Story, toujours chez Label Bleu. Le guitariste joue avec son trio rythmique habituel – Fred d’Oelsnitz aux claviers, Jean-Marc Jafet à la basse et Yoann Serra à la batterie – auquel se joint le saxophoniste Stéphane Guillaume, déjà présent sur deux titres de Why Note. Le quintet invite également Didier Lockwood au violon (effets wawa et swing décoiffant dans « For JM ») et Cédric Le Donne au pandeiro (« Emilio »).
Manetti a écrit sept des dix morceaux ; Guillaume, Jafet et d’Oelsnitz amènent les trois autres.
Le titre du disque est explicite : la musique de Manetti bouge du début à la fin. Cela dit, il ne s’agit pas d’un groove épais et brutal, mais plutôt subtil et entraînant, sur des thèmes dissonants et tendus. Serra foisonne (« Bad Town »), joue parfois avec puissance (« Dendrolague »), se montre souvent léger (« Sadness ») et maintient en permanence une pulsation vigoureuse (« Emilio »). Avec ses motifs robustes (« For JM »), ses boucles dansantes (« Loupgaloo »), sa walking énergiques (« Italian Prelude »), ses shuffles pétulants (« Emilio ») et ses solos particulièrement mélodieux Jafet complète efficacement la rythmique du quintet. D’Oelsnitz glisse des accords sobres (« Bad Town ») ou groovy (« Night Come Back »),  égraine des notes cristallines (« Océan »), s’amuse avec la sonorité du Fender («  Loupgaloo ») ou joue des lignes fluides au piano (« Sadness ») qui mettent incontestablement en valeur la guitare et les saxophones. Aussi à l’aise dans un rôle de ténor hurleur (« Loupgaloo »), que dans des chorus sophistiqués au soprano (« Bad Town », « Océan »), dans une ambiance funky (« For JM ») ou une atmosphère post-bop groovy (« Night Come Back »), Guillaume apporte ses couleurs de franc-tireur qui enrichissent la palette du quintet. Manetti  sait bien entendu se montrer véloce (« Night Come Back »), mais le style manouche n’est pas au centre de Groove Story, loin s’en faut ! Le guitariste s’aventure du côté du blues (« For JM »), prend des solos décontractés (« Dendrolague »), met quelques touches de rock (« Loupgaloo »), échange des contrepoints incisifs avec le saxophone ténor (« Italian Prelude »), joue des lignes aériennes (« Océan »)…
Dans Groove Story, Manetti poursuit son chemin, à l’écart de la musique manouche, et s’oriente résolument vers un jazz contemporain, ingénieux et varié.
Les musiciens
Manetti est allé à bonne école avec son père… Romane ! Très tôt, il commence à jouer avec de nombreux musiciens manouches, dontDavid Reinhardt. Manetti écume les festivals et clubs en compagnie deDidier LockwoodStochelo Rosenberg, des frères Ferré… Son premier disque, Why Note, sort en 2012 chez Label Bleu.
En 1994, après être passé par le CNSMDP en saxophone classique, mais également par la classe de François Jeanneau, Guillaume rejoint l’ONJ de Laurent Cugny. Il enregistre un premier disque sous son nom en 2006 : Inta-Muros. suit en 2009. Guillaume participe également à des projets aux côtés Pierre de BethmannNguyen LêDaniel HumairJacky Terrasson... En 2009, il sort Windills Chronicles, deuxième disque sous son nom.
D’Oelsnitz étudie d’abord le piano classique et se tourne vers le jazz à la fin des années quatre-vingt. Dans les années quatre-vingts dix, il joue avec Bibi Rovère, notamment dans le groupe Epistrophy, avecFrançois Chassagnite et Bernard Weidman. A partir de 1998, il joue fréquemment dans les formations de Jafet. Un poco loco sort en 1999, avec Chassagnite, Fabrice Bistoni et Serra. En 2002, d’Oelsnitz rejoint Magma, mais joue aussi avec Christian EscoudéEric Le Lann,Mathieu Donarier… et enregistre The Pool Cue And The Piano en 2008. L’année suivante il fait partie du Nice Jazz Orchestra de Pierre Bertrand
Dans les années quatre-vingt, Jafet fait partie du groupe de Christian Escoudé, puis de l’ONJ d’Antoine Hervé. En 2000, avec Sylvain Lucet André Ceccarelli, ils créent le Trio Sud. En dehors des albums sous son nom, Jafet a enregistré avec Richard GallianoFrank Amsallem,Khalil Chahine, Offering…
Passé par le conservatoire de Nice, Serra commence sa carrière avec Jafet, Rover, Chassagnite… participe au collectif Mu en 1998, accompagne Steve Grossman, forme un trio avec d’Oelsnitz etFrançois Gallix, joue avec les frères Belmondo, le Trio Sud, Nelson Veras
Le disque
Groove Story
Richard Manetti
Stéphane Guillaume (ts, ss), Richard Manetti (g, telecaster), Fred d’Oelsnitz (p, Fender Rhodes), Jean-Marc Jafet (b) et Yoann Serra (d), avec Didier Lockwood (v) et Cédric Le Donne (pandeiro).
Label Bleu
Sortie en septembre 2014
Liste des morceaux
01. « Bad Town » (04:50).
02. « For JM » (06:23
03. « Sadness » (06:02).
04. « Loupgaloo », d’Oelsnitz (05:51).
05. « Italian Prelude » (05:32).
06. « Night Come Back » (04:44).
07. « Océan » (05:23).
08. « Dendrolague », Guillaume (05:23).
09. « Sun Of The road » (05:58).
10. « Emilio », Jafet (05:29).
Tous les morceaux sont signés Manetti, sauf indication contraire.

A la découverte de… Victor Michaud

Le cor d’harmonie n’est certainement pas l’instrument de l’orchestre le plus connu… Et pourtant : de Georg Philipp Telemann à Olivier Messiaen, en passant par Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Franz Schubert… quasiment tous les compositeurs classiques ont écrit pour le French Horn ! Si c’est à Junior Collins et Gunther Schuller que le cor doit sa place dans le jazz, c’est John Graas qui lui a donné ses lettres de noblesse et Julius Watkins qui l’a définitivement élevé au rang de soliste ! Sur le vieux continent, le cor d’harmonie peut compter sur Victor Michaud pour défendre ses couleurs jazz…


La musique
Quand j'étais petit, mon père écoutait beaucoup de jazz à la maison. Le premier disque de jazz que j'ai vraiment aimé, c'est Out of the Cool, de Gil Evans. J'écoutais le morceau « Where Flamingos Fly » en boucle.
J'ai commencé à faire de la musique dans une MJC, où travaillais ma mère. Quelques professeurs du conservatoire venaient y donner des cours. Au bout d'un moment, on nous a demandé de choisir entre la guitare, la flûte à bec, le violon, et le cor. J'ai choisi le cor tout simplement parce c'était ce qui m'attirait le plus… et peut-être aussi pour faire le malin parce que tous les autres choisissaient le violon ou la guitare. Excepté un type un peu bizarre avec des grosses lunettes qui a pris la flûte à bec…
Ensuite, j’ai continué au conservatoire d'Angoulême, puis, à dix-huit ans, je suis entré au conservatoire de Bordeaux. A l’époque j'étais légèrement dilettante car je m'intéressais peu au répertoire classique et, au contact de musiciens locaux, je m'étais assez vite mis en tête de jouer du rock et du jazz… Ce que j'ai commencé à faire dans plusieurs groupes, en parallèle au conservatoire. D'abord je jouais de la basse électrique, puis, après mon arrivée à Bordeaux, quand j’ai commencé  à avoir un bagage technique suffisant, je suis passé au cor d'harmonie. Par la suite, j’ai fait un tas de rencontres, intégré différentes formations, dont le sextet Grand Six, déménagé à Paris, suivi des études au département jazz du CNSMDP, où j'ai surtout écrit de la musique et… continué à faire toujours plus de rencontres !

Les influences
Ouh là là !... La liste est longue ! Chez les contemporains, pour tout un tas de raisons, j'admire beaucoup John Zorn et les musiciens qui gravitent autour de lui. Sinon, à une certaine époque, la découverte du jazz West Coast a été un choc !... Jimmy GiuffreBarney Kessel,Stan Kenton, le corniste John Graas...
Dans un autre registre, j'ai beaucoup écouté Aaron CoplandSun Ra,Spike Jones, mais aussi Bob Brookmeyer, dont le jeu véloce au trombone à pistons est passionnant à essayer de transposer au cor d'harmonie ! Je suis aussi un gros consommateur d'« easy-listening old-school » : Juan García EsquivelHenry ManciniAndré Popp...
Autres influences : des amis musiciens, comme Monsieur Gadou etYoann Loustalot, qui sont à l'origine du groupe Grand Six dont j'ai parlé plus haut, quelques professeurs également, comme François Théberge, à travers ses cours d'arrangement au CNSMDP, mais aussi ma femme, Carine Llobet, qui est pianiste et qui m'a fait et continue à me faire découvrir beaucoup de compositeurs et d’œuvres du répertoire classique.

Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz ? Une façon de faire de la musique.
Pourquoi la passion du jazz ? … c'est une musique de passionnés.
Où écouter du jazz ? Quand tu veux où tu veux baby !
Comment découvrir le jazz ? Ecouter les musiciens de Jazz actuels et les anciens, toutes époques et styles confondus. Aller écouter des concerts, rencontrer des musiciens, apprendre à jouer d'un instrument, même de manière rudimentaire.
Une anecdote autour du jazz ? J'ai lu que Frank Zappa avait failli se faire virer de son propre groupe parce que c'était le seul qui ne se droguait pas ! Je trouve ça assez amusant. D'ailleurs, l’autobiographie de Zappa est littéralement bourrée d'anecdotes ! Je vous la conseille… si vous aimez les anecdotes !

Le portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais Donald le canard,
Si j’étais une fleur, je serais une pâquerette,
Si j’étais un fruit, je serais du raisin,
Si j’étais une boisson, je serais un cocktail de mon beau-frère, Romain Llobet !
Si j’étais un plat, je serais un vitello tonnato,
Si j’étais une lettre, je serais n'importe quelle lettre, mais dans une police d'écriture de Jim Flora,
Si j’étais un mot, je serais euphonie,
Si j’étais un chiffre, je serais 42, bien sûr !
Si j’étais une couleur, je serais crème… ou glauque,
Si j’étais une note, je serais Fa qui est la tonalité de mon instrument, le cor d’harmonie…

Les bonheurs et regrets musicaux
Je n’ai aucun regret et ne sais pas de quel bonheur parler ! Tout récemment, par exemple, j'ai écrit, puis testé en concert, deux nouvelles compositions, « Louisville » et « Boucanier », dont je suis assez content…

Sur l’île déserte…
Quels disques ? Tenir le coup sur une île déserte avec juste quelques disques, ça doit être terrible ! Donc je pense que j'emmènerai un poste de radio !... Et du Duke Ellington… Et du Johnny Cash !
Quels livres ? Même problème ! Du coup, j’en profite pour reprendre l'étude des mathématiques avec quelques livres de cours bien choisis… puis je me lance dans Disquisitiones Arithmeticae de Carl Friedrich Gauss ! Ça devrait m'occuper un bon moment, j'imagine... Et, pour me détendre, je prends un abonnement à vie à L'Equipe !
Quels films ? Sur une île déserte, il me faut des films avec des jolies filles, pas très habillées… donc je dirais du Raquel Welch, par exemple.
Quelles peintures ? Carreaux de ciment du Tampographe Sardon, dont je vous recommande le travail.
Quels loisirs ? Une table de ping-pong… et j'apprends aux singes à en jouer !

Les projets
Continuer comme ça le plus longtemps possible ! Avec, éventuellement, plus de concerts pour un joli septet que j'ai monté récemment, le Wunderbar Orchestra, qui me permet de faire jouer ma musique par une chouette équipe de musiciens !


Sinon, il y a le quintet, Baeshi Bang, qui devrait faire ses premiers pas sur scène prochainement. Nous reprenons le répertoire d'un vieux chanteur de variétés coréen des années soixante : Bae Ho. Cet automne, je vais aussi participer à un nouveau big band monté parLaurent Cugny : le Gil Evans Paris Workshop. Par ailleurs, depuis peu, je travaille de manière informelle et expérimentale avec Olivier Demeaux, du groupe Cheveu. Nous ne savons pas trop où nous allons, mais c'est marrant : il y a plein de boîtes à rythmes et de synthétiseurs ! En vue également : des retrouvailles musicales avec mon ami Andrey Astaiza, corniste et enseignant au conservatoire de Quito, en Equateur... Une affaire à suivre !
D’autre part, je vais commencer à enseigner au conservatoire de Saint-Nazaire et, récemment, avec mon copain Yoann, nous avons monté le label Bruit Chic, qu’il faut que nous développions : deux ou trois disques devraient paraître dans les mois qui viennent…

Trois vœux…
  1. Le premier, je le garde pour moi…
  2. Manger plus de sardines grillées.
  3. Que Bordeaux soit champion de la Ligue 1 en 2015…