22 novembre 2014

Mai 2014

Meeting au Baiser salé…

C’est au Baiser Salé que le label Igloo et Greg Lamy ont décidé de célébrer, le 16 mai, la sortie de Meeting, deuxième disque du Greg Lamy Quartet, après I See You (2009). Le concert commence à dix-neuf heures trente et se déroule en deux sets, avant de laisser la place au Be-Bop Trio d’Alain Jean-Marie.
Le quartet de Lamy existe depuis déjà sept ans, avec le saxophoniste ténor sarrois Johannes Mueller et une paire rythmique lorraine, constitué de Gautier Laurent à la contrebasse et Jean-Marc Robin à la batterie.


Meeting comprend sept morceaux composés par Lamy, « Summertime » et trois intermèdes. Pendant le concert, Lamy et ses compagnons reprennent six titres du disque, dont « Eclipse », fréquemment joué depuis Greg Lamy (2004), deux thèmes du répertoire de Lamy (« D Blues » tiré de What Are You Afraid Of? – 2006 – et « The Tram », de l’album I See You) ainsi que le tube de Sonny Rollins, « Saint Thomas », en hommage à Jim Hall. Le guitariste, disparu en décembre 2013, affectionnait particulièrement ce titre et l’avait  enregistré en 1962, avec Rollins, Bob Cranshaw et Ben Riley(Harry Saunders sur une plage), pour « l’album du retour » du saxophoniste, l’incontournable The Bridge. D’ailleurs, le quartet sans piano monté par Lamy rappelle évidemment celui du Colosse… Dans l’ensemble, la musique du concert reflète fidèlement celle du disque, même si les développements sont légèrement plus long, les voix moins distincte, mais le grain plus chaud…
Le quartet ne joue pas les morceaux dans l’ordre de Meeting et, pour chauffer le Baiser Salé, il entame le concert avec l’énergique « Aïe »… Sourires, regards, gestes, mouvements de tête… la connivence entre les musiciens est évidente du début à a fin de la soirée. Robin s’en donne à cœur joie : sa frappe courte, sèche et vive foisonne (« Aïe », « D Blues »), bruisse (« Eclipse »), pulse (rim shots et pêches de « Untitled »), entraîne (« Can’t Wait »), mais dégage aussi beaucoup de majesté aux mailloches (« La déferlante ») et de légèreté dans les ballades (« Room 117 »). Le solo de « The Tram » prend des allures funky avec des roulements furieux sur les peaux, ponctués de splashes sur les cymbales. Une sonorité grave, ample et profonde caractérise Laurent. Sa contrebasse se promène librement, tantôt mélodieuse, à l’unisson de la guitare (« La déferlante ») ou avec des lignes croisées (« Saint Thomas »), tantôt rythmique, avec des riffs dansants (« Can’t Wait », « The Tram »), des ostinatos (« D Blues »), quelques lignes de walking (« Aïe »), un bourdon à l’archet (« La déferlante ») ou des shuffle (« Eclipse »), mais elle reste toujours souple (« Room 117 ») et son solo (« Eclipse ») alterne habilement lignes arpégées et contrastes entre aigus et graves. Mueller suit la trace des hard-boppers élégants, à la Dexter Gordon. Un son puissant, droit, quasi exempt de vibrato et une mise en place impeccable (« D Blues »), des effets de shouter (« Aïe ») ou des accents bluesy (« The Tram ») toujours placés à bon escient, des solos qui passent d’une nonchalance pleine de swing (« Eclipse ») à des phrases fluides, linéaires et énergiques (« Untitled »)... le saxophoniste prend aussi des solos nerveux, plein de suspens (« Can’t Wait »). Quant à Lamy, il va et vient entre la section rythmique, des dialogues avec Mueller et des chorus. Le guitariste et le saxophoniste partagent le même goût pour les lignes sinueuses parsemées de dissonances (« Aïe »). Son jeu, particulièrement mobile, passe d’une série de contrepoints (« Untitled ») ou de questions – réponses (« Can’t Wait ») avec le saxophone, à des dialogues avec la contrebasse (« La déferlante »)…  Les accords de Lamy viennent titiller le saxophone (« Aïe »), restent aériens (« Eclipse ») ou débouchent sur des solos tantôt véloces (« Untitled »), tantôt nostalgiques (« La déferlantes »), mais toujours souples et alertes (« D Blues », « The Tram »). Sa guitare, qui ressemble beaucoup à la Gibson ES 175 qu’utilisait Hall, a une sonorité chaleureuse et un timbre clair, mais Lamy glisse aussi des effets wawa (« The Tram »), ajoute une pointe de résonnance (« D Blues »), joue sec pour s’approcher d’un son plus acoustique (« Untitled ») ou légèrement assourdi dans des passages rythmiques (« Aïe »).   
Igloo poursuit avec persévérance sa ligne éditoriale. Au fil des ans, le label réussit à bâtir un catalogue cohérent et représentatif d’un jazz du Benelux, moderne, énergique et tendu. Meeting s’inscrit parfaitement dans cette démarche : le Greg Lamy Quartet est vif, mélodieux, entraînant…
Le disque
Meeting
Greg Lamy Quartet
Greg Lamy (g), Johannes Mueller (ts), Gautier Laurent (b) et Jean-Marc Robin (d).
Igloo Records – IGL243
Sortie en octobre 2013
Liste des morceaux
01. « Intro » (1:49).
02. « Untitled » (4:30).
03. « Absturz » (7:11).
04. « Eclipse » (5:30).
05. « Interlude » (1:19).
06. « La déferlante » (5:18).
07. « Aïe » (4:22).
08. « Room 117 » (5:28). 
09. « Can't Wait » (5:06).
10. « Tout simplement » (6:26).
11. « Interlude » (1:31).
12. « Summertime , George Gerschwin (5:28).
Tous les morceaux sont signés Lamy, sauf indication contraire.

Algèbre – Topologie d’un manège

En 1988 François Cotinaud fonde l’association Jazz Bank, qui abrite le collectif Alka et le label Musivi. Adepte du soundpainting, Cotinaud sort leMonologue de Schönberg etVariations sur une collection de timbres en 2012 avec son nonette, le Klangfarben Ensemble. Changement de décor pour Algèbre, puisqu’il s’agit d’un trio, Topologie d’un manège, avec Daniel Beaussier – saxophone alto, clarinette basse, hautbois et cor anglais – et Pierre Durand – guitare.  
Comme l’explique Cotinaud : « le mot « algèbre » vient de l’arabe al-jabr […] qui signifie « la réunion » (des morceaux), « la reconstruction » ou « la connexion » ». C’est pour compléter la formule à deux soufflants et guitare, que Topologie d’un manège invite le contrebassiste Bruno Chevillon et les batteurs François Merville et Denis Charolles. Cotinaud a composé neuf titres d’Algèbreet le dernier, « Nombre Do Ré », est une œuvre collective en trio, avec Chevillon et Merville.
La pochette du disque illustre habilement le manège et l’algèbre :Valentine Hébert a réalisé un collage de machines, d’instruments, d’animaux mécaniques, du portrait d’Al-Khwarismi – inventeur de l’algèbre au IXe siècle – etc. sur un fond de figures géométriques et de textes en arabe. Ce désordre organisé trouve son parfait prolongement dans la musique d’Algèbre.
La plupart des morceaux reprennent la structure thème – développement – thème, mais, au lieu d’une succession de solos, les développements sont collectifs et souvent construits comme une suite de tableaux. Algèbre est proche de la musique contemporaine, à l’instar du duo mélodico-rythmique entre la clarinette et la clarinette basse, arbitré par les accords minimalistes de la guitare (« Topologie d’un manège »), ou le trio aérien et délicat de « Monoïd ». Dans la même veine, les musiciens intercalent, croisent, superposent, mélangent… des phrases courtes et des notes isolées dans de mystérieuses discussions (« Monoïd 1 », « Nombre Do Ré »). Entre la complexité des jeux rythmiques et les mélodies qui, à peine esquissées, se retrouvent déjà écartelées, Algèbre se rapproche aussi par moment d’une forme d’expressionisme un peu à la Kurt Weill(« Hologram », « I Would Like To Be Free (But I Am Free Already) »). Cette musique de chambre contemporaine intègre également des éléments du jazz : des accents bluesy de la guitare viennent se mêler aux contrepoints sophistiqués de la clarinette et du saxophone, avant de déboucher sur un passage free, soutenu par une rythmique puissante, quasi-rock (« Diagramme ») ; dans « Monoïd 2 », pendant que les soufflants se livrent à un duel de valeurs brèves, la batterie, légère et sautillante, dialogue avec une guitare vive ; ou encore, un ostinato de la guitare, souligné par la batterie, se mue en un duo entraînant, porté le chœur des bois (« Le Pendule du Fou »)… « Algorithme » est une belle synthèse d’Algèbre. Son démarrage allie swing et dissonance, dans l’esprit d’Ornette Coleman. Le premier tableau voit la guitare broder des petites cellules vives sur une batterie qui bruisse, et des soufflants qui assurent un chœur discret. Ensuite, le tempo s’accélère : la batterie joue un chabada rapide tandis que la contrebasse passe à une walking véloce et que la guitare leur emboîte le pas. Nouveau changement de tableau, avec un quartet contemporain, dans lequel les saxophones foisonnent sur une rythmique heurtée et des accords vaporeux de la guitare. Et, avant de revenir à la mélodie dissonante, le développement aboutit à des cris, qu’Albert Ayler ne renierait pas…
En mathématique, l’algèbre s’attache à trouver des méthodes systématiques pour régler des problèmes... Et, en musique, Algèbre a trouvé une solution excitante pour combiner musique de chambre contemporaine et jazz, d'une manière à la fois complexe et séduisante !
Le disque
Algèbre
Topologie d’un Manège
François Cotinaud (ts, cl), Daniel Beaussier (as, b cl, hb, cor anglais) et Pierre Durand (g), avec Bruno Chevillon (b), François Merville (d) et Denis Charolles (d).
Musivi – MJB 019
Sortie en septembre 2013.
Liste des morceaux
01. « Diagramme » (7:47).
02. « Topologie d’un manège » (3:55).
03. «  Hologram » (7:08).
04. « Monoïd 1 » (4:00).
05. « Monoïd 2 » (9:20).
06. « I Would Like To Be Free (But I Am Free Already) » (3:58).
07. « Le Pendule du Fou (part 1) » (5:06).
08. « Algorithme » (8:56).
09. « Le Pendule du Fou (part 2) » (3:25).
10. « Nombre Do Ré », Cotinaud, Chevillon & Merville (5:05).

Tous les morceaux sont signés Cotinaud, sauf indication contraire.

So Watt – Domancich & Petri

En 2000, le multi-flûtiste Jean-Mathias Petri propose à la claviériste Lydia Domancich de rejoindre le groupe Sula Bassana, qui rapproche l’Afrique et la Bretagne, c’est le début d’une collaboration au long cours. Courant 2010, les deux musiciens ont monté un projet électrique qui, après de nombreux concerts, a donné naissance à un disque : So Watt.
Enregistré en juillet 2013 dans le studio de Gérard Lhomme à Lanmodez (Côtes-d’Armor), So Watt est une co-production du collectif Empreinte, créé à Lannion par Petri, Jean-Philippe Lavergne etChristophe Lavergne, et de Gimini22, le label fondé à la fin des années quatre-vingt par Lhomme et Domancich.
Piano électrique, Fender Rhodes et pédales d’effets pour Domancich, famille de flûtes, electroflûte, pédales d’effets et Korg Kaoss Pad pour Petri : les instruments ne laissent aucun doute sur la direction prise par la musique ! Et les titres des neufs morceaux – souvent humoristiques – sont évocateurs : « Bass Tensions », « Chants magnétiques », « Sweet Ohm », « Electrology », « Phase B », « Resistance »… Sans oublier, évidemment, le morceau éponyme : « So Watt » ! Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris pourrait tout à fait diffuser So Watt pour illustrer la monumentale Fée Electricité de Raoul Dufy (1937)… Les compositions et improvisations sont évidemment l’œuvre des deux musiciens, hormis « Différentiel pour flûtes octobasse », qui est un solo de Petri, et « Maléorie », morceau composé par Domancich pour l’album D’Ouest en Ouest de Madomko (2007).
Les dialogues entre Domancich et Petri sont remplis d’électricité : des grésillements en boucle (« Resistance »), des riffs à base de fritures (« So Watt part II ») et autres crépitements parasites (« Chants magnétiques ») forment un décor sous haute tension, créent un accompagnement rythmique ou s’immiscent dans les propos de la flûte et des claviers. Domancich joue des mélodies élégantes (« Sweet Ohm »). Ses phrases cristallines qui rappellent un carillon (« Maléorie ») contrastent avec les bruitages électriques. Sa walking (« Bass Tensions »), ses ostinatos (« Phase B ») et ses lignes de basse sourdes (« Electrology ») sont constamment entraînantes. Petri a branché ses flûtes sur secteur et produit des effets de souffle, des bruitages électriques, des sons saturés, des bourdonnements, des pépiements d’oiseaux, des sonorités distordues… avec une forte présence rythmique (« Différentiel pour flûtes octobasse »). Ses interventions mélodiques, accentuée par un vibrato appuyé (« Chants magnétiques »), se fondent à celles du clavier (« Maléorie ») ou lui donnent la répartie avec subtilité (« Bass Tensions »). Au milieu de toutes ces danses d’électrons, « Maléorie » est la seule pièce dans laquelle le piano électrique et la flûte entrelacent leurs chants paisiblement, sans effets.
Les expérimentations de Domancich et Petri tiennent à la fois de la musique électroacoustique et des musiques improvisées. So Watt est un mélange d’abstraction et d’expressivité. Finalement, la musique, comme l’électricité, est invisible, mais bien présente ! Voilà un hommage qui doit faire plaisir à Benjamin FranklinMichael FaradayAndré-Marie AmpèreThomas Edison
Les musiciens
Après le CNSMDP, Domancich prend le large pour un sacré voyage : l’enseignement, moult concerts-spectacles, le groupe Intervalles, la danse avec, entre autres, Jean Pomarés ou, plus récemment, Sylvie Le Quéré, l’Afrique à travers Andouma, avec Pierre Marcault etAïssata Kouyaté, puis Madomko en compagnie de Bassi Kouyaté et deJulien André, le Japon avec la joueuse de flûte Shakuhachi Véronique Piron, le quartet Sweet Screamin Jones et… les duos avec Petri !
Petri s’est formé à toutes les flûtes, du piccolo à l’octobasse, au contact aussi bien de musiciens de jazz (Laurent DehorsHélène LabarrièreFranck Tortiller…) que de musique contemporaine (Eric Voegelin). A l’instar de Domancich, il a rapidement élargi ses champs d’action à d’autres musiques et disciplines : le rap (Al K Traxx), la danse (Wayne Barbaste), les musiques du monde (La Coopérative – Gaby Kerdoncuff, la musique irlandaise avec Tommy Halferty…), la chanson (Serena FisseauPaul Dirmeikis…)…
Le disque
So Watt
Lydia Domancich et Jean-Mathias Petri
Lydia Domancich (el p, Fender Rhodes, électro) et Jean-Mathias Petri (fl, électro).
Empreinte/Gimini22 – EM-SW-03
Sortie en décembre 2013.
Liste des morceaux
01. « So Watt part II » (4:34).
02. « Bass Tensions » (8'37).
03. « Maléorie », Domancich (5:23).
04. « Chants magnétiques » (8:20).
05. « Différentiel pour flûtes octobasse », Petri (3:33).
06. « So watt part I » (18:52).
a. « Sweet Ohm »
b. « Phase B » 
c. « Electrology »
d. « Resistance »
Toutes les compositions sont signées Domancich et Petri, sauf indication contraire.

A la découverte de… Yoann Loustalot

PrimaveraDerniers reflets, Aérophone, Bruit Chic, Wunderbar Orchestra, Kurt Weill, Lucky Dog... c'est tout l'univers que nous invite à découvrir le trompettiste Yoann Loustalot.

La musique
J'avais un oncle batteur de jazz amateur et collectionneur de disques. Quand j'étais adolescent, fin des années quatre-vingt et début des années quatre-vingts dix, il me prêtait des vinyls. Je me souviens par exemple de Max Roach & Clifford Brown In ConcertChet Baker In New York – avec Johnny Griffin – et aussi Let's Get Lost, encore de Chet… Ce sont mes premiers contacts avec le jazz et ces disques m'ont marqué… Par ailleurs, mon père est trompettiste amateur : j’ai sans doute voulu faire pareil… Comme quoi le jazz et la trompette sont bien une histoire de famille !

Yoann Loustalot (c) Bruce Millepied
J'ai commencé à étudier à l'école de musique de La Baule, la plus proche de chez mes parents. Ce furent de bonne années : je faisais partie du big band de l'école de musique et, en parallèle, nous avions monté notre premier quintet de jazz avec des amis du lycée, dont Fred Chiffoleau et Sébastien Jarrousse. Ensuite, je suis entré au conservatoire de Versailles. J’y ai étudié la trompette classique avecRoger Delmotte, dont c'était la dernière année d'enseignement. C’était un vieux monsieur très exigeant : il avait été trompette solo à l'opéra de Paris toute sa vie, rien que ça ! J’en ai également profité pour étudier le piano et la contrebasse. Peu après, je me suis installé à Bordeaux pour continuer mon cursus classique. A cette époque, je travaillais la trompette avec Jean-François Dion, soliste à l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine.
Mais, petit à petit, j’ai commencé à mettre de côté le classique car je jouais de plus en plus dans les clubs à Bordeaux. Et tout ce qui m'intéressait, en fait, c'était de jouer du jazz, de faire des bœufs, d’être dehors tous les soirs… Trois soirs par semaine, plusieurs musiciens et moi jouions avec Victor Brox, un vieux bluesman anglais qui a eu son heure de gloire au sein de la formation Aynsley Dunbar Retaliation. Avec lui nous apprenions sur le tas, sans jamais répéter… C'était une excellente école ! Brox nous faisait prendre des solos de façon très structurée et nous construisions nos arrangements de manière totalement spontanée. Grâce à la régularité des concerts et des jam sessions, la musique sonnait vraiment bien. Je jouais aussi souvent en compagnie d’Alex Golino, un magnifique saxophoniste ! J'ai également participé à pas mal de groupes locaux de jazz, mais aussi de salsa – très en vogue à Bordeaux à ce moment-là.


Je dois beaucoup à Jacki Bérécochea : il m'a fait jouer et appris des méthodes très efficaces pour travailler le jazz. D’ailleurs nous sommes plusieurs à être passés chez lui : Fidel FourneyronPaul LaySylvain Darrifourcq... Jacki est un excellent trompettiste et pédagogue. C’est à cette période que nous avons écumé les scènes de Bordeaux et de sa région avec notre laboratoire d’expérimentations musicales, le sextet Grand Six. Peu à peu j'ai commencé à jouer avec des musiciens installés à Paris et, grâce au Vintage Orchestra, j’ai côtoyé beaucoup de musiciens : comme nous jouions souvent, pas mal de monde passait nous voir et c’est comme ça que se font les rencontres…
Autour de 2003 et 2004, j'ai monté mon premier quartet avec Yoni ZelnikMax Fougères et Guillaume Nouaux. Nous avons enregistréPrimavera chez Elabeth, puisYO5 en quintet, sur le Petit Label. J’ai aussi joué dans le quintet du batteur Frédéric Jeanne, avec Eric Surménian,David Patrois et Olivier Ker Ourio. Fred et Eric m’ont beaucoup appris en matière d'espace et de son de groupe. Quelques temps après j'ai rencontré le pianiste François Chesnel. Il nous a proposé, à Eric et moi, de jouer dans son Kurt Weill Project, avec également Ariel Mamane. Depuis, nous avons plusieurs projets ensemble, d’une dimension plus européenne.
Côtoyer ces musiciens et amis m'a fait découvrir d'autres horizons : jusque-là j’évoluais dans un univers assez proche du bop et du hard bop, mais, après ces rencontres, j’ai bifurqué vers une direction plus personnelle. J'ai donc monté mon trioAérophone avec Blaise Chevallier à la contrebasse et, dans un premier temps,  Emile Saubole à la batterie, puisFred Pasqua aujourd'hui. Avec ce groupe, j’ai décidé d'écrire tout ce qui me passait par la tête, jazz ou pas, de le mettre en forme et de le jouer sans complexe… Un peu comme une thérapie ! Le trio fonctionne toujours de cette manière…
En 2013, j'ai  créé le label Bruit Chic avec un ami, ex-membre de Grand Six, le corniste Victor Michaud. Nous avons gagné de l'autonomie pour réaliser nos projets et faire connaître notre musique. Et je participe également au groupe de Victor : le Wunderbar Orchestra.

Les influences
Il y en a trop ! Je ne pourrai pas les citer tous… Cela dit, pour leur sensibilité et l'impact que leur musique a – ou a eu – sur moi, j’irais deBach jusqu’aux Sex Pistols, en passant par Miles DavisCaetano VelosoJoao GilbertoDuke EllingtonHeitor Villa LobosYussef Lateef, Chet, Maddy MespléLee Konitz...
Pour être plus précis : en tant que trompettiste, j’ai travaillé sur un certains nombre de musiciens qui m’ont donné envie de faire pareil qu’eux ! J’ai commencé par écouter Chet des heures et des heures ! Et j'essayais de copier sa sonorité voilée qui me fascinait… Ensuite, j'ai eu une période bop avec Clifford BrownFats Navarro et Kenny DorhamTom Harrell m'a longtemps impressionné : avec sa sensibilité exceptionnelle, il est la synthèse parfaite, à mon goût, de Chet, Art Farmer et Woody Shaw. J'ai passé aussi beaucoup de temps sur Farmer, Booker Little et Miles Davis. A peu près à la même époque, j'ai beaucoup écouté Tony FruscellaLouis Armstrong et Bix Beiderbecke. Par la suite, je me suis tourné vers d'autres courants, même si j'ai toujours gardé autant de plaisir à écouter les boppers. Plus récemment, Ralph Alessi m'a beaucoup marqué, tout commeDave Douglas, un grand maitre ! Je suis aussi un grand fan de Cuong Vu… Cent pour cent de sa musique et de son jeu complètement à part ! J'adore également Don CherryJacques CoursilEnrico RavaTomas StankoKenny Wheeler… Il y a peu, j'ai découvert Don Joseph, un cornettiste au son unique ! Et dans mes collègues français je suis un grand admirateur du jeu de Geoffroy Tamisier.
Mais, quand un disque me plaît, je suis du genre à l’écouter cinquante fois pendant un mois !
Les rencontrent aussi sont marquantes. Dernièrement, après de longues discussions et quelques concerts avec le pianiste Yonathan Avishai, je pense que ma manière de penser la musique a quelque peu changé. Son approche minimaliste, son rapport à la forme et à la répétition de motifs m'ont marqués. Dans mon disque Derniers reflets, il y a plusieurs morceaux dans lesquels j'ai essayé de restituer cette manière de faire. En fait nous pouvons être influencés à chaque fois que nous jouons avec quelqu'un de nouveau et découvrir d’autres voies de penser la musique. Ces rencontres nous révèlent de nouvelles approches et nous font avancer. Je pense que c’est mon cas : chaque jour, les gens avec qui je joue m'apprennent des choses. Même ceux que je connais depuis longtemps m'apportent toujours des idées neuves…


Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz ? Une musique riche, une culture, un langage, une histoire, un mode de vie, une passion !
Pourquoi la passion du jazz ? Nous découvrons chaque jour quelque-chose de nouveau : un musicien, un morceau, un disque, une voie pour travailler...
Quand écouter du jazz ? Dès que possible ! Mais c’est à chacun de voir !
Comment découvrir le jazz ? Sortir dans les clubs, aller aux concerts, emprunter des disques à la bibliothèque, puis acheter ceux qui vous plaisent, parler avec les musiciens, lire des livres, des biographies...
Une anecdote autour du jazz ? Lorsque Bix Beiderbecke est tombé gravement malade, suite à l’abus d'alcool pendant la prohibition, il jouait dans l'orchestre de Paul Whiteman. Whiteman a continué à lui verser son salaire pour qu’il puisse subsister jusqu'à la fin de sa tragique et courte vie. Pourtant il savait que Bix ne pouvait plus jouer et ne reviendrait jamais. Belle leçon d'humanité !

Le portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais un poisson, pour enfin comprendre ce qui se passe dans leur tête,
Si j’étais une fleur, je serais la marguerite, qui me fait penser à ma grand-mère...
Si j’étais un fruit, je serais une clémentine, pour pouvoir m'empiffrer de moi-même !
Si j’étais une boisson, je serais de l'eau, c'est plus sûr !
Si j’étais un plat, je serais un plat à Tajine, simplement beau,
Si j’étais une lettre, je serais Y, comme Yoann,
Si j’étais un mot, je serais voyage,
Si j’étais un chiffre, je serais 5, comme un quintet,
Si j’étais une couleur, je serais vert, comme les plantes…
Si j’étais une note, je serais Fa#, comme une #11 sur C7…


Les bonheurs et regrets musicaux
Difficile de citer un bonheur musical… je n'en sais rien ! C’est peut-être le fait de continuer à faire aujourd'hui ce que j'ai entrepris il y a pas mal d'année : jouer et vivre de la musique… En revanche, je regrette de ne pas avoir continué d’étudier le piano classique lorsque j'étais ado, car j'ai presque tout oublié... Mais je compte bien m'y remettre sérieusement très bientôt !

Sur l’île déserte…
Quels disques ? Sûrement Embraceable You de Chet BakerBachianas Brasileiras d’Heitor Villa-Lobos et Piano Reflections de Duke Ellington.
Quels livres ? Corsaire de la république de Louis Garneray et quelques recueils de poèmes de Paul Eluard.
Quels films ? Aucun film : j'en profite pour observer les changements incessants de la mer !
Quelles peintures ? J'amène un chevalet, des toiles, de la peinture et des pinceaux… Et je m'y mets avec comme modèle : la mer !
Quels loisirs ? La pêche à la mouche...


Les projets
J'ai plusieurs projets en cours...
Dans les mois qui viennent, nous avons des concerts prévus avec mon trio Aérophone et Glenn Ferris en invité : le 6 juin à l'Alibi Jazz Club de Morsain, chez notre ami Richard Brechet, et le 25 juillet, au festival Jazz at Botanic, à Bordeaux. J’écris actuellement de la musique spécialement pour cette formation et nous comptons l'enregistrer dans les mois qui viennent. Nous sommes à la fois ravis et excités d'avoir Glenn avec nous pour cette rencontre d'aérophones ! C'est un musicien fantastique et un tromboniste incroyable. Je l'ai rencontré à l’occasion d'une tournée avec le groupe Palatino d'Aldo Romano et j'ai eu envie de recroiser le cuivre avec lui !


Il y a aussi le quartet Lucky Dog que nous avons monté avec le saxophoniste Fred BoreyYoni Zelnik et Fred Pasqua. Nous jouons la musique de Fred Borey et la mienne. Le disque vient de sortir sur le label catalan Fresh Sound New Talent grâce à Jordi Pujol, qui nous soutient depuis déjà quelques années. Nous avons enregistré au Studio Barge à Vannes, créé par mon collègue Alex Tassel. Nous avons pris le parti de jouer tous les quatre dans la même pièce et sans casques. Nous voulions que le résultatsoit le plus naturel possible, qu'il y ait de l'espace. C'est un disque qui sonne vraiment live, à l'ancienne. Je trouve que c'est très réussi ! C’est la preuve qu’il y a donc moyen d'enregistrer aujourd’hui sans que le son soit formaté, compressé… Plus généralement, il faudrait réhabituer le public à ce genre de prises  de son, car, pour notre musique, c’est ce qu’il faut pour faire ressortir la réalité... C'est une nouvelle aventure qui débute avec ce groupe et nous sommes tous comme des « chiens fous » ! Lucky Dog joue le 10 juin au Sunset et le 11 à Blois…
Sinon, je joue toujours avec le pianiste François Chesnel. Depuis plusieurs années je joue notamment dans son Kurt Weill Project, dont j’ai déjà parlé plus haut. J'adore ce groupe, qui a trouvé son propre son. La musique de Kurt Weill est spéciale : à la fois brute, élaborée et raffinée. A chaque fois, c'est un vrai plaisir de la jouer.
Enfin, j'ai aussi mon quartet avec François, Blaise Chevallier etAntoine Paganotti, et pour lequel je prépare un nouveau répertoire pour la rentrée...
Trois vœux…
1. Que les programmateurs de jazz en France cessent de choisir uniquement en fonction des catalogues des agents. Les agents ont un monopole, donc les programmes sont peu ou prou toujours les mêmes. Ou alors, il faudrait que les agents prennent tout le monde dans leurs catalogues ! Il y a une multitude de bons musiciens avec des projets terribles, qui sont fin prêts, mais qui n'ont pas d'agent. Or avoir un agent n’est pas une condition pour être bon ! Faites votre travail : écoutez les albums que nous vous envoyons, répondez aux e-mails, décrochez votre téléphone, prenez des risques !... Comme nous en prenons en jouant cette musique ! Tout ira mieux pour tout le monde, y compris pour le public : autrement il va finir par se lasser !
2. Que les gens, sur cette planète, cessent de s'entre-tuer, et que les puissants  partagent avec les plus faibles.
3. Plus de concerts, de la musique vivante partout !

Du nouveau dans les Villages…

Entre Chant du Monde, Jazz Village et World Village, Harmonia Mundi continue de faire paraître des disques de musiques improvisées à un rythme soutenu. Preuve en est avec les six albums qui suivent.

The Party
Orchestre National de Jazz
Dixième directeur de l’Orchestre National de Jazz,Daniel Yvinec le dirige de 2009 à 2013, avant de céder sa place à Olivier Benoît. Pendant cette période, l’ONJ sort quatre disques : Around Robert Wyatt(Bee Jazz – 2009), Shut Up And Dance (Bee Jazz – 2010),Piazzolla! (JazzVillage – 2012) et The Party (JazzVillage – 2014).
Toute la bande de l’ONJ est bel et bien présente pour le dernier disque de l’ère Yvinec. Après Vincent ArtaudJohn Hollenbeck et Gil Goldstein, c’est au tour de Michael Leonhart d’être invité pour participer à l’arrangement de The Party. Multi-instrumentiste complet, Leonhart a enregistré aussi bien avec Bill Frisell ou Bobby McFerrin, que Joshua Redman ou Wynton Marsalis, et s’est fait un nom aux côtés du musicien de jazz-rock Steely Dan, de l’artiste hip hop Mos Def ou encore de Yoko Ono.
La moitié des quatorze thèmes est signée Yvinec et Leonhart. L’autre moitié est constituée de thèmes d’origines diverses. Le cinéma : « Requiem pour un con » de Serge Gainsbourg et Michel Colombier, enregistré pour Le Pacha, un policier de George Lautner avec Jean Gabin, sorti en 1968 ; « Les 400 coups » de Jean Constantin pour le film éponyme de François Truffaut (1959) ; et, bien sûr, « The Party », composé par Henry Mancini pour la comédie que Blake Edwards a tournée en 1968 avec Peter Sellers. S’ajoutent, tels des gags, quelques tubes de variété : « Everybody's Got to Learn Sometime », un slow (consternant) du groupe pop anglais The Korgis, sorti en 1980 ; « Je m’appelle Géraldine », nanar de 1968 écrit par l’auteur compositeur et arrangeur Jean-Claude Vannier (Histoire de Melody Nelson, c’est lui…) ; le hit new wave de 1980, « Once In A Lifetime », du groupe de rock américain Talking Head ; et deux saucissons muzak signés Shuggie Otis : « Rainy Day », enchaîné avec « Strawberry Letter ».
Tout au long de The Party, l’ONJ juxtapose sonorités wawa vintages et effets électro (« Requiem pour un con »). Le collectif prime clairement sur l’individu : riffs à foison (« Vermillon $ Man »), unissons à gogo (« Dust Devil »), contrepoints abondants (« Wonder Twin Powers »), chœurs fréquents (« Who is Clutterbuck? »)… L’ONJ fait sa boum (« Strawberry Letter 23 »), s’inspire aussi bien du twist (« Once In A Lifetime ») et du funk (« Dr. Killjoy ») que de Prince (« Rainy Day ») et du rock (« Vergogna In Blue »).
The Party est un retour vers les années soixante-dix, rouflaquettes et pattes d’éléphant comprises. Une musique de fête, sans complexe et pleine de bonne humeur !
Le disque
The Party
ONJ
Eve Risser (p, synthé, a fl), Vincent Lafont (kbd), Antonin-Tri Hoang (as, cl, b cl, kbd), Rémi Dumoulin (ts, cl, b cl), Matthieu Metzger (bs, as, ss, perc), Joce Mienniel (f fl, b fl, p fl, kbd), Sylvain Bardiau (tp, b tp, bugle, tb, soubassophone), Pierre Perchaud (g, bj, cavaquinho), Sylvain Daniel (b), Yoann Serra (d) et Daniel Yvinec (elect, prod), avec Michael Leonhart (tp, voc, d, g, percu).
Jazz Village – JV 570036
Sortie en janvier 2014.
Liste des morceaux
01. « Requiem pour un con »,  Serge Gainsbourg et Michel Colombier (5:55).
02. « Who is Clutterbuck? », Leonhart, Yvinec et Labbi Siffre (4:33).
03. « Wonder Twin Powers » (5:06).
04. « Vergogna In Blue », Leonhart (4:51).
05. « Everybody’s Got To Learn Sometime », James Warren (4:06).
06. « Vermillon $ Man » (2:01).
07. « Je m’appelle Géraldine », Jean-Claude Vannier (6:37).
08. « Dust Devil » (5:02).
09. « Dr. Killjoy », Leonhart (3:52).
10. « The Party », Henry Mancini (3:25).
11. « One In A Lifetime », David Byrne, Brian Eno, Christopher Frantz, Jerry Harrison et Tina Weymouth (4:54).
12. « Rainy Day » et « Strawberry Letter », Shuggie Otis (4:11).
13. « 7 cm Stilettos » (1:07).
14. « Les quatre cents coups », Jean Constantin (3:32).

Tous les morceaux sont signés Leonhart et Yvinec, sauf indication contraire.

Bring It Back
Catherine Russell
Bring It Back est le cinquième disque de Catherine Russellparu chez Jazz Village, qu’elle a rejoint en 2006. En 2012, pour son précédent opus,Strictly Romancin’, l’Académie du Jazz lui a décerné son Prix du Jazz Vocal.
C’est à partir de Sentimental Streak, en 2008, que Russell commence à monter un groupe au long cours, avec Matt Munisteri à la guitare ou au banjo et Lee Hudson à la basse. L’année suivante – Inside This Heart of Mine –, John Allred(trombone), Dan Block (clarinette et saxophone alto), Jon-Erik Kellso(trompette) et Mark Shane (piano) rejoignent la chanteuse. Andy Farber (saxophone ténor), Mark MacLean (batterie) intègrent à leur tour la formation de la chanteuse lors de l’enregistrement de Strictly Romancin’. Dans Bring It Back, il y quatre nouveaux venus : Brian Pareschi (trompette), Nicki Parrott (basse), Glenn Patscha (orgue Hammond) et Mark Lopeman (saxophone baryton).
Comme dans Strictly Romancin’, Russell chante essentiellement des chansons populaires : de « The Darktown Strutters' Ball », publié en 1917 par Shelton Brooks, à « After The Lights Go Down Low », un standard composé en 1956 par Phil BelmonteLeroy Lovett and Allen White. Figurent également au programme « I Let A Song Go Out Of My Heart » (l’un des premiers tubes de Duke Ellington en 1938), « Aged And Mellow » (immortalisée par Esther Phillips), « You've Got Me Under Your Thumb » et « Strange As It Seems » (classiques de Fats Waller)« I Cover the Waterfront » (sortie en 1933 et popularisée par Billie Holiday), « Public Melody Number One » (hit de Louis Armstrong en 1937)… Elle rend aussi hommage à son père, le pianiste, chef d‘orchestre, arrangeur et compositeur Luis Russell, en interprétant l’une de ses chansons : « Lucille ».
Une voix claire aux inflexions juvéniles, des effets bien maîtrisés et une mise en place impeccable : Russell possède toutes les qualités requises pour servir son répertoire. Elle passe d’un swing entraînant (« Bring It Back », « The Darktown Strutters' Ball ») à une ballade tranquille (« I Cover The Waterfront »), en faisant des détours par le blues (« Aged And Mellow »), la Nouvelle-Orléans (« You Got To Swing And Sway »), le rock’n roll (« I'm Sticking With You Baby »), le stomp (« Strange As It Seems »)... Elle parsème son chant d’accents bluesy et, à l’instar de la plupart de ses consœurs de l’ère swing en dehors d’Ella Fitzgerald, Russell s’en tient à la mélodie et ne scate pas. Le règne du 4/4 permet à la section rythmique de démontrer son efficacité : régularité (« I'm Shooting High ») et pulsation infaillible (« You Got To Swing And Sway »). Les soufflants répondent en chœur à la chanteuse (« Public Melody Number One ») ou la soutiennent de leurs riffs énergiques (« Lucille »). Quant aux solos, ils restent dans l’esprit 1930 : la trompette rappelle Louis Armstrong (« I'm Shooting High »), les saxophones jouent dirty (« Bring It Back ») ou nonchalant (« I Cover The Waterfront »), le trombone se balance en toute décontraction (« I Let A Song Go Out Of My Heart »), la clarinette évoque le New Orleans (« You Got To Swing And Sway »)…
Mélodies traditionnelles et swing à volonté : au fil des ans Russell et ses musiciens poursuivent l’histoire des chanteurs populaires des années trente avec entrain et talent.
Le disque
Bring It Back
Catherine Russell
Catherine Russell (voc), Matt Munisteri (g, bj, voc), Andy Farber (ts), Brian Pareschi (tp), John Allred (tb), Dan Block (as, ts, cl), Mark Lopeman (bs), Mark Shane (p), Mark MacLean (d), Lee Hudson (b), Nicki Parrott (b), Jon-Erik Kellso (tp) et Glenn Patscha (org).
Jazz Village – JV 579001
Sortie en février 2014
Liste des morceaux
01. « Bring It Back », Harrison Nelson (3:54).
02. « I'm Shooting High », Ted Koehler & Jimmy McHugh (2:31).
03. « I Let A Song Go Out Of My Heart », Duke Ellington, Irving Mills, Henry Nemo & John Redmond (4:08).
04. « You Got To Swing And Sway », Ida Cox (3:09).
05. « Aged And Mellow », Johnny Otis & Preston Love (4:40).
06. « The Darktown Strutters' Ball », Shelton Brooks (2:39).
07. « Lucille », Luis Russell (3:55).
08. « You've Got Me Under Your Thumb », Will Livermash, Jack Hudgens & Mildred Brooks (2:39).
09. « After The Lights Go Down Low », Phil Belmonte, Leroy Lovett & Allen White (5:23).
10. « I'm Sticking With You Baby », Rudolf Toombs & Henry Glover (3:07).
11. « Strange As It Seems », Thomas Fats Waller & Andy Razaf (3:30).
12. « Public Melody Number One », Ted Koehler & Harold Arlen (3:13).
13. « I Cover The Waterfront », John Green & Edward Heyman (5:01).
  
L’ombre d’une source
Titi Robin et Michael Lonsdale 
Thierry « Titi » Robincommence sa carrière au début des années quatre-vingt. A la guitare, à l’oud ou au bouzouq, Robin mêle les influences méditerranéennes. En 1984, il forme un duo avec le joueur de tabla indien, Hameed Khan. Leur association, dans les années quatre-vingts dix, avec le chanteur breton Erik Marchand aboutit  à un trio de world music. En parallèle, Robin se lance dans un projet collectif autour de la musique gitane (Gitans), mais aussi un dans un exercice en solo à l’oud et au bouzouq (Le regard nu). Pour Ciel de cuivre, sorti en 2000, Robin renoue avec un combo et une quinzaine d’invités. Il continue en sextet, pour tourner avec son projet Les rives. Par ailleurs, pendant une quinzaine d’années Robin collabore régulièrement avec la danseuse Gulabi Sapera, il a composé pour le cinéma (La Mentale de Manuel BoursinhacOlé! de Florence Quentin), joué avec Alain Bashung, monté des spectacles avec des poètes et chanteurs (Danyèl Waro, la poésie soufie)…
Robin a demandé à l’acteur Michael Lonsdale de dire ses poèmes. Lancé par François Truffaut, Lonsdale partage sa carrière entre cinéma (Le fantôme de la liberté de Luis BuñuelLe Procès d’Orson WellsMoonrakerMa vie est un enfer…) et le théâtre (Samuel BeckettFriedrich DürrenmattMarguerite Duras…). 
L’ombre d’une source met en musique dix poésies de Robin. Le musicien introduit les poèmes et accompagne l’acteur qui les déclame. Robin joue du bouzouk (luth méditerranéen), de la guitare et du robab (luth pachtoune).
La musique de Robin trouve essentiellement sa source dans le Moyen-Orient : mélodies soignées (« L'Ecume de la mer »), rythmique complexe (« L'Ombre d'une source »), développements denses (« Chute des corps »)… Il fleurit son discours avec de nombreuses arabesques (« Retour ») et ornementations (« L'Eau de mai »). Le timbre plutôt aigu de ses instruments, ses phrases touffues et mobiles contrastent avec la voix caverneuse de Lonsdale. L’acteur prend son temps pour dire les textes. Le ton est grave, paisible, voire las (« Aucun bruit ne filtre de la rue »). Le duo peut d’autant plus faire penser à des troubadours que Robin glisse des accents folk (« Trois pensées ») et que Lonsdale a tout du conteur (« Amandes »).
Amateurs de poésie, de musique arabe et d’expériences originales, L’ombre d’une source ravira vos oreilles.
Le disque
L’ombre d’une source
Titi Robin
Titi Robin (g) et Michael Lonsdale (voc).
World Village – WJ 479091
Sortie en février 2014.
Liste des morceaux
01. « Aucun bruit ne filtre de la rue » (5:53).                       
02. « Trois pensées » (4:36).
03. « L'Ecume de la mer » (7:05).                  
04. « Chute des corps » (5:32).                      
05. « Le caillou et la brindille » (4:30).                      
06. « Amandes » (3:43).                     
07. « Retour » (2:05).              
08. « L'Ombre d'une source » (8:40).                        
09. « J'entends une rivière » (5:39).              
10. « L'Eau de mai » (3:40).

Tous les morceaux sont signés Robin sauf indication contraire.

Now
Bibi Tanga
Bibi Tanga est né à Bangui et c’est à Sevran, où s’est installée sa famille dans les années quatre-vingt, qu’il apprend la musique et les claquettes. En 2000, associé au groupe de funk la Malka Family, Tanga sort son premier disque : Le vent qui souffle. Dans la foulée, il crée Les gréements de fortune avec Eric Kerridge à la guitare, Jay Murphy aux claviers,Gil’C’Freak à la trompette, Eric Rohner au saxophone et Fabrice Lerigab à la batterie. Le groupe prend la suite de NoJazz dans l’émission de Thierry Ardisson, Salut les terriens ! En 2003, Tanga rencontre Le Professeur Inlassable. Le duo tourne abondamment et enregistre Yellow Gauze en 2006. L’année suivante, le duo se transforme en groupe et devient Bibi Tanga & The Selenites, qui publieDunya en 2009 et 40° Of Sunshine en 2012.
Pour Now, Tanga s’entoure de ses compagnons de route habituels : Kerridge, Rohner et Gilles Garin (Malka Family). Pour compléter le quartet, Stéphane Le Navelan est aux claviers, Mathieu Pequeriau à l’harmonica et au washboard, et Mike Bodjo Dibo à la batterie. Quant à Emma Lamadji et Idylle Mamba, elles assurent les chœurs.
Côté programme, Tanga propose treize morceaux de son cru et « Who’s Gonna Be Your Man », chanson signée Fred Brooks et immortalisée par Harry Belafonte et Ella Jenkins. Le bassiste chante la plupart du temps en anglais, mais glisse quatre chansons en sango et une en français.
Tanga mélange de nombreux ingrédients, avec une prédominance de funk et d’afro-beat. La batterie puissante et les motifs de basse sourds donnent au rythme un rôle central dans Now, tandis que La guitare et les claviers jouent des cellules funky et que les riffs de la section des soufflants répondent en chœur au chanteur. Bien entendu, l’esprit deFela Kuti n’est pas loin (« A I Mveni », « Home Town »), mais Tanga lorgne aussi du côté des groupes de funk des années soixante-dix, comme Earth, Wind & Fire (« Upset », « Now », « So High »). Tanga ajoute également des touches de reggae (« Calling »), de rumba congolaise (« ALa Za i O »), de rap (« War »), de rock (« Love Can Bring You Pain »), d’ethio-jazz (« IL Y A »)…
Now risque de dérouter plus d’un jazzfan et il est vrai que le disque serait peut-être davantage à sa place dans la collection World Village que Jazz Village. Cela dit la musique de Tanga bouge, balance et en fera incontestablement danser plus d’un…
Le disque
Now
Bibi Tanga
Gilles Garin (tp, conques), Eric Rohner (sax), Mathieu Pequeriau (hca, washboard), Eric Kerridge (g, chœur), Mehdi Hadjeri (voc), Emma Lamadji, Idylle Mamba (chœur), Stéphane Le Navelan (kbd, chœur), Bibi Tanga (voc, b) et Mike Bodjo Dibo (d chœur).
Jazz Village – JV 570037
Sortie en mars 2014.
Liste des morceaux
01. « Calling » (4:35).
02. « ALa Za i O » (4:38).      
03. « A I Mveni » (3:26).       
04. « Love Can Bring You Pain » (4:45).       
05. « Upset » (3:42).
06. « Home Town » (4:31).   
07. « Now » (4:00).
08. « IL Y A » (4:40).
09. « Monteguene » (3:15).  
10. « Ngombe » (3:45).         
11. « So High » (3:52).
12. « War » (3:25).
13. « Who's Gonna Be Your Man » (2:21).  
14. « With You » (4:04).

Tous les morceaux sont signés Tanga et sa formation.

SoulBlazz
Natalia M.King
Grandie à New York et Rochester, Natalia M.Kingentame sa carrière de musicienne à Los Angeles, au sein d’un groupe de blues, les Mojo Monks. Installée à Paris en 1998, M.King commence par jouer dans le métro, la rue, les cafés… En 2000, après avoir assuré la première partie deDiana Krall à l’Olympia, Universal Jazz lui fait enregistrer trois disques :Milagro (2001), Fury & Sound (2003) et Flesh Is Speaking (2005).
Huit ans plus tard, M.King revient avec un nouveau projet : SoulBlazzsort en avril 2014 chez Jazz Village. Elle fait appel au multi-instrumentiste Vladimir Ivanosky pour le piano, le Rhodes et la guitare slide, Yves Torchinsky (René Urtreger, ONJ de Franck TortillerDenis Badault Trio…) pour la basse et Larry Crockett (Eric BibbLiz McCombElton JohnPoppa Chubby...) pour la batterie. Pour étoffer la palette sonore de son quartet, M.King invite également deux jazzmen notoires, Stéphane Belmondo et Pierrick Pédron, ainsi que Dominique Cravic (guitare et ukulélé), le fondateur des Primitifs du futur, et l’harmoniciste Laurent Le Thiec.
M.King est l’auteur de six des neuf thèmes de SoulBlazz. L’album commence par « You Don't Know What Love Is », morceau composé en 1941 par Gene de Paul et Don Raye pour le film Keep ‘Em Flying deBud Abbott and Lou Costello. M.King reprend aussi « Today I Sing The Blues », le tube de Sam Cooke qui figure dans Encore (1958) et donne une relecture groovy de « Nutty » de Thelonious MonkSoulBazz se conclut sur une brève exposition à l’harmonica d’«Amazing Grace », sans doute l’hymne chrétienne la plus célèbre dans le monde anglophone.
Le solo a capella de la guitare saturée qui introduit « You Don't Know What Love Is » annonce la couleur : SoulBlazz est placé sous le signe du blues. La voix haute et claire de M.King est expressive et rehaussée ça-et-là d’accents nasillards, voire d’effets criards (« I've Changed ») dans la tradition du blues. M.King se montre également à l’aise dans une ambiance bop funky (« Nutty Revisited »), soul (« Today I Sing The Blues »), swing (« Ring Ring Dingaling »)… Du début à la fin deSoulBlazz, la pulsation ferme et légère de Torchinsky et Crockett fait balancer la musique et soutient efficacement les solistes. Les accords et motifs d’Ivanovsky soulignent avec habileté la voix de M.King et des solistes. Au Rhodes, il se lâche dans un blues épais et entraînant (« Love And Leave Me Kind »). Cravic fait swinguer « Ring Ring Dingaling » et donne une touche de blues rural à « Stronger Than ». La sonorité soyeuse, les chorus élégants et les contrepoints subtils de la trompette de Belmondo apportent de la densité à « I've Changed »  et « I Need To See You Again ». Pédron alterne « bop bluesy gras » à la Cannonball Adderley (« Lady Of The Night ») et bop funky (« Nutty »), avec une citation de « Now’s The Time » au passage. 
SoulBlazz remplit parfaitement son cahier des charges : une musique à la croisée de la soul, du blues et du jazz. Un cocktail d’autant plus savoureux qu’il est préparé par des musiciens de haut vol.
Le disque
SoulBlazz
Natalia M.King
Natalia M.King (voc, g), Vladimir Ivanovsky (p, kbd, g), Yves Torchinsky (b) et Larry Crockett (d), avec Stéphane Belmondo (tp), Dominique Cravic (g, ukulele), Laurent Le Thiec (hca) et Pierrick Pédron (as).
JazzVillage – JV 570031
Sortie en avril 2014.
Liste des morceaux
01. « You Don't Know What Love Is », Don Raye & Gene De Paul (4:23).
02. « I've Changed » (2:52).
03. « Ring Ring Dingaling » (3:45).
04. « Stronger Than » (5:59).
05. « Lady Of The Night » (4:40).
06. « Today I Sing The Blues », Sam Cooke (3:19).
07. « Nutty Revisited » (4:36).
08. « I Need To See You Again » (6:22).
09. « Love And Leave Me Kind» et « Amazing Grace », John Newton & William Walker (6:20).

Tous les morceaux sont signés M.King sauf indication contraire.

The Son Of A Bluesman
Lucky Peterson
En 1996, l’ONJ dirigé parLaurent Cugny invite Lucky Peterson, son orgue Hammond et sa voix pour deux titres d’In Tempo (« Theme From Joy House » et « Who’s Been Talking? »). Depuis le début des années deux mille, Peterson a enregistré Black Midnight Sunet You Can Aways Turn Aroundpour Dreyfus. Mais c’est chez Jazz Village que sort The Son Of A Bluesman en juin 2014. Preuve de la reconnaissance du bluesman de Buffalo en France…
Enfant prodige, Peterson enregistre « 1-2-3-4 », son premier tube R&B sous la direction de Willie Dixon, à l’âge de six ans ! A huit ans Peterson apprend l’orgue Hammond, en plus de la guitare. Après avoir joué dans l’orchestre de Little Milton, il rejoint Bobby Bland. A la fin des années quatre-vingt, Peterson commence sa carrière en solo et sortLucky Strikes! (1989), puis Triple Play (1990). En parallèle, Peterson joue avec Etta JamesKenny NealOtis Rush…  En 1992, Peterson enregistre I’m Ready pour Verve et cinq autres albums suivront. Dans les années deux mille, Peterson enregistre abondamment : pour Blue Thumb (deux disques), Dreyfus (deux disques) et JSP (trois albums)…
Peterson a constitué un noyau dur autour de Shawn Kellerman à la guitare, Timothy Waites à la basse et Raul Valdes à la batterie. Au grès des morceaux, Peterson invite aussi des chanteurs, des claviéristes et des sections de soufflants, pour lui donner la réplique ou étoffer les chants.
Sept des onze morceaux qui composent The Son Of A Bluesman sont de la plume de Peterson et de son groupe. Figurent également : « Blues In My Blood » de Butch Bonner pour Greg Smith (Money Talks – 1990); une chanson de 1967 signée Wilson Pickett, « Funky Broadway » ; « I Pity The Fool », composé en 1961 par son ex-mentor Bland, mais rendu célèbre en 1965 par The Manish Boys, avec David Bowie et un solo deJimmy Page… ; le tube de 1972 chanté par Johnny Nash, « I Can See Clearly Now », repris par de nombreux musiciens dont Jimmy Cliff, Screeching Weasel (musique du film Jennifer’s Body), Claude François(sous le titre Toi et le soleil)…
Les titres des morceaux ont tout d’une autobiographie : « The Son Of A Bluesman », « Blues In My Blood », « I Can See Clearly Now », « You Lucky Dog », « I’m Still Here »…  Peterson alterne orgue Hammond churchy et guitar bluesy. Il joue deux morceaux instrumentaux : un slow bluesy, « Nana Jamell », et un rock’n roll entraînant, « You Lucky Dog ». Comme d’habitude chez les bleusmen, le chant met l’accent sur l’expressivité. Expressivité portée à son comble dans la version gospel de « I’m Still Here », dans laquelle Peterson crie comme un preacher.The Son Of A Bluesman propose des morceaux de blues sous différents éclairages : funky (« Funky Broadway »), soul à la Marvin Gaye (« I Can See Clearly Now ») ou à la Ray Charles (« I Pity The Fool »), rock (« Blues In My Blood »), boogie-woogie (« Boogie-Woogie Blues Joint Party »), Cajun (« Joy »)… et blues dans la pure tradition (« I’m Still Here », « The Son Of A Bluesman »).
The Son Of A Bluesman est une ode au blues sous toutes ses coutures, marquée de l’empreinte de Peterson, faite de soul et de funk.   
Le disque
The Son Of A Bluesman
Lucky Peterson
Lucky Peterson (voc, g, org), Shawn Kellerman (g), Timothy Waites (b) et Raul Valdes (d), avec Lucki Azariah Peterson, Faith Jefferson Houston, Corey Layton, Lashonda Reese, Greg Smith, Bahiyyahn Stovall Moss, Tamara Stovall Peterson (voc), Chris Curiel, Bill Eden, Calvin Sexton (saxophones) et Remaon Hearn (kbd).
Jazz Village – JV 570035
Sortie en juin 2014.
Liste des morceaux
01. « Blues In My Blood », Gregg Smith, Butch Bonner, Larry Dee Debell, Joe Bedell & Lois Bedell (5:27).
02. « Funky Broadway », Wilson Pickett & Lester Christian (4:56).
03. « Nana Jamell », Peterson (5:38).
04. « I Pity The Fool », Bobby Blue Bland &  Deadric Malone (4:07).
05. « Boogie-Woogie Blues Joint Party », Peterson & Steve Washington (4:33).
06. « I’m Still Here », Peterson & Tim Waites (7:07).
07. « The Son Of A Bluesman », Peterson & Diane Tucker (5:14).
08. « I Can See Clearly Now », Johnny Nash (5:34).
09. « Joy », Tamara Stovall Peterson, Tamaron Stovall & Peterson (4:08).
10. « You Lucky Dog », Peterson (4:11).
11. « I’m Still Here (gospel) », Dorinda Clark-Cole (7:14).